Les nouvelles guerres
On disait souvent des guerres actuelles en Irak et en Syrie qu’elles mettaient à plat tous les cadres portés en ce qui concerne cette région par les fameux accords Sykes-picot qui en ont dessiné les frontières à la fin de la Première Guerre mondiale. Certains y ont ajouté le projet dit GMO, le grand Moyen-orient, dont il est question depuis une vingtaine d’années. Du moins croyaient-ils pouvoir le faire au regard des fractures qui marquent certains Etats de la région, effets de guerres internes. Toutefois, il ne semble pas inopportun, puisqu’il est fortement question de frontières et d’etats-nations, d’y ajouter le traité de Sèvres supposé, quant à lui, régler la question kurde. Il n’a jamais été appliqué et les Kurdes se sont retrouvés éparpillés à travers quatre Etats de la région (Turquie, Syrie, Irak et Iran) sans jamais renoncer à leur revendication. Cela se voit en Turquie avec une rébellion armée et en Irak depuis un quart de siècle, soit bien avant la chute de l’ancien régime de Saddam Hussein. Une frontière de fait, avec des institutions qui sont celles d’un Etat et qui ont suscité une certaine colère. Ou plutôt la crainte que cela s’étende au-delà des frontières irakiennes, surtout que le vide laissé en Syrie par le retrait de l’administration de Bachar Al Assad de régions peuplées majoritairement de Kurdes a rapidement été occupé. Par les Kurdes, bien entendu. Une ruse de guerre, disait-on alors, mais le fait est là. Des frontières sont bousculées et une vieille revendication est aujourd’hui relancée. L’acte le plus récent est la construction d’une barrière dans le nord de l’irak, considérée comme une partie de la nouvelle frontière de la région kurde autonome. Si les Peshmergas entrent dans une zone et la libèrent, celle-ci restera entre leurs mains», a affirmé un haut commandant kurde. Une position qui suscitera incontestablement des tensions avec Baghdad et l'etat fédéral irakien. Beaucoup y voient une nouvelle réalité, «le produit d'années d'influence informelle du gouvernement kurde dans ces zones». Ou encore que «le gouvernement du Kurdistan a étendu de facto son contrôle sur de plus larges pans du territoire que ceux qu'il détenait précédemment». Bien entendu, celui-ci s’en défend et affirme qu’il n’est pas «en train de redessiner des frontières géographiques». Sauf que tout ce qui s’y passe est suivi avec une extrême attention en ce sens. Autant de guerres dans la guerre. Voilà donc ce qu’ont entraîné les guerres en Irak et en Syrie auxquelles la Turquie, notamment, est très attentive. Elle a ainsi mis récemment en garde contre un changement démographique dans certaines localités syriennes comme à Raqqa, avertissant que si cela venait à se produire, cela «ne contribuera en aucune manière à ramener la paix». Raqqa est donc devenue un nouvel enjeu où les forces kurdes s’opposent pour sa libération à la participation de la Turquie, l’inverse étant tout aussi vrai, et elle est devenue comme une autre ligne à ne pas franchir. Le risque de guerre serait encore bien réel.