L’opposition parlementaire turque sur la sellette
Le chef du Parti républicain du peuple (CHP, opposition laïque), Kemal Kilicdaroglu, est sorti de ses gonds, en Turquie, pour dénoncer la répression qui est menée par le gouvernement islamo-conservateur au nom de l’antiterrorisme depuis le putsch raté du 15 juillet.
« La moindre critique est suivie d’une convocation au tribunal », s’est insurgé M. Kilicdaroglu lors d’un discours prononcé devant son groupe parlementaire à Ankara. « Je supplie les autorités de me convoquer au tribunal moi aussi. Mais elles ne le font pas, elles ont peur. Elles savent que j’ai les preuves de leur coopération avec les terroristes », a-t-il déclaré.
Selon lui, le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo conservateur, au pouvoir depuis 2002) est « la seule formation politique qui collabore avec des organisations terroristes. Au Moyen-orient, avec Al-nosra et l’organisation Etat islamique [EI], en Turquie avec le PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan, interdit]et avec la mouvance Gülen », la communauté du prédicateur Fethullah Gülen. Exilé aux Etats-unis depuis 1999, le chef religieux est décrit par Ankara comme lecerveau du putsch. Mais il était du côté de L’AKP lors de son accession au pouvoir. La purge ne faiblit pas Visiblement excédé, M. Kilicdaroglu a fustigé la direction du pays, sans la nommer. « Vous avez soigné les militants de L’EI en Turquie. Vous avez fermé les yeux sur les passages des terroristes. C’est à cause de vous si cette organisation s’en prend à notre nation. Vous avez nourri et élevé le mouvement Gülen. Vous leur avez donné tout ce qu’ils voulaient. Vous leur avez ouvert les portes des institutions. C’est à cause de vous si cette organisation est devenue une réelle menace pour notre population. » Le danger guette. « Des affrontements » pourraient se produire si les dirigeants en place persistaient à « agir hors du cadre légal pour instaurer un changement de régime », assure M. Kilicdaroglu.
Profitant des pouvoirs exceptionnels qui lui sont conférés par l’état d’urgence – il est en vigueur depuis le 20 juillet et le restera jusqu’au 20 janvier 2017 – le gouvernement a fait procéder à l’arrestation de plus de 30 000 personnes tandis que 110 000 salariés ont été suspendus ou limogés.
La purge ne faiblit pas. Chaque jour apporte son lot de nouvelles arrestations et de nouveaux limogeages. Elle s’est élargie aux élus kurdes avec l’arrestation des deux maires de la ville de Diyarbakir (sud-est du pays) et la destitution de plusieurs autres, remplacés par des administrateurs judiciaires.
Elle a atteint des sommets avec l’arrestation, le 5 novembre, de neuf députés du Parti de la démocratie des peuples (HDP, pro-kurde), dont les deux coprésidents, Selahattin Demirtas et Figen Yuksekdag, inculpés de collaboration avec le PKK.