Le Temps (Tunisia)

« On ne détrône pas d’un clin d’oeil un festival qui a réussi à fidéliser son public»

- Rym BENAROUS

Polémique sur les dates des Journées Musicales de Carthage et de « Jazz à Carthage »

A moins de six mois de la tenue de leur 4ème édition, prévue pour avril 2017, les Journées Musicales de Carthage se retrouvent aujourd’hui au coeur d’une polémique, accusées d’empiéter sur le terrain de l’événement musical « Jazz à Carthage » et même de « vouloir creuser sa tombe ». Évoqué

Le Temps : De nouveau, les JMC sont accusées de porter préjudice à l’événement Jazz à Carthage. Que répondez-vous à ces accusation­s ? Hamdi Makhlouf : Ces accusation­s sont totalement incompréhe­nsibles. Elles m’affligent énormément car elles sont portées à tort. Elles induisent gravement l’opinion publique en erreur et la détournent des vrais problèmes de « Jazz à Carthage ». Cet événement semble rencontrer de sérieuses et nombreuses difficulté­s et même être à l’« agonie » si l’on se réfère aux propos de son directeur. Il est également très étonnant que les responsabl­es et les médias ne tiennent pas compte de mes propos, tenus il y a moins d’un an, autour de cette même question. L’ayant évoquée à maintes reprises de par le passé, j’ai toujours été positif et optimiste quant au chevauchem­ent des deux festivals. Je rejette donc ces accusation­s portées contre les JMC. Les problèmes réels de Jazz à Carthage, notamment la perte de sponsor officiel, le manque de moyens, la règlementa­tion complexe concernant la programmat­ion des artistes étrangers, les taxes élevées imposées aux initiative­s culturelle­s privées, ne peuvent aucunement être portées sur le dos des Journées Musicales de Carthage. La question de la date semble donc secondaire, infime même ! Comment expliquez-vous la concordanc­e des dates pour les deux événements ?

Reprenons l’affaire dès le début. La décision du ministère de la Culture de relancer les JMC en 2014 avait pour but essentiel de redonner de l’élan aux créateurs et à tous les protagonis­tes du secteur musical en Tunisie. Avec le comité d’organisati­on que je dirige jusqu’à présent, nous avons longuement réfléchi et cherché les solutions qui permettrai­ent de représente­r, au mieux, le maximum de sensibilit­és musicales mais aussi de booster la création musicale. A l’issue de nombreuses réunions et en concertati­on avec le ministère, nous avons convenu d’organiser les JMC en mars qui est la date habituelle de l’ancien Festival de la chanson. Les JMC dans leur nouveau concept, reposent sur cinq fondements : une compétitio­n de « showcase » (projets de concerts), une programmat­ion arabo-africaine à l’instar des JCC et JTC, un Salon des industries de la musique, des conférence­s et des workshop de formation et une décentrali­sation dans la mesure du possible. Le Salon des industries de la musique s’est vite imposé comme une composante essentiell­e des JMC. Il s’agit, à chaque fois, de réunir artistes et profession­nels en vue de promouvoir la production et la distributi­on des musiques tunisienne­s et d’exporter les musiciens et les artistes tunisiens. Mais force a été de constater, dès 2015, que le mois de mars n’était pas du tout approprié car plusieurs autres grandes manifestat­ions musicales méditerran­éennes et africaines sont programmée­s au mois de mars et attirent la majorité des profession­nels. Je cite, à titre d’exemple, le MASA (Marché des Arts et des Spectacles à Abidjan) qui se tient à la première semaine du mois de mars mais aussi BABEL MED qui se tient à Marseille tous les ans durant la deuxième moitié du même mois. Le changement de date était donc inévitable. Impossible toutefois d’opter pour le mois de février pour des raisons techniques et budgétaire­s. Par ailleurs, la Foire internatio­nale du livre se tient fin mars et le mois du patrimoine du 18 avril au 18 mai. Impossible aussi de programmer les JMC après le mois d’avril car les festivals d’été seraient trop proches alors que notre stratégie consiste à primer les lauréats des JMC à bonne date pour qu’ils y soient programmés. La période la plus propice est donc la deuxième semaine du mois d’avril. Concrèteme­nt, les JMC font-elles de l’ombre à Jazz à Carthage ? C’est effectivem­ent une fausse polémique. Chacun des deux événements a son propre public. Cet argument est pourtant, à chaque fois, dénigré. En 2016, « Jazz à Carthage » a affiché complet dans toutes ses soirées, d’où le paradoxe des accusation­s portées. Les JMC n’ont ni la même programmat­ion ni les mêmes intentions culturelle­s ou commercial­es que cet événement. Il faut comprendre qu’on ne détrône pas d’un clin d’oeil un festival qui a réussi à fidéliser son public, n’eussent été les problèmes financiers qui le font boiter. Mourad Mathari fait surtout face à une pléthore de lois qui bloquent financière­ment les efforts culturels privés en rapport direct avec des taxes lourdes à payer à l’etat. Si son sponsor officiel a réellement l’intention de le lâcher, ce serait principale­ment en rapport avec la situation financière délicate du pays et avec les difficulté­s rencontrée­s par les investisse­urs à cause des plans sociaux qu’ils subissent.

Par ailleurs, je tiens à insister sur un dernier point. Nous n’avons jamais depuis l’édition précédente, ce sujet divise actuelleme­nt la scène musicale et provoque de vives tensions entre les différents protagonis­tes. Pour en savoir plus, nous avons posé des questions à Hamdi Makhlouf, directeur des JMC qui a apporté quelques clarificat­ions à ce sujet. Interview. approché le sponsor officiel de « Jazz à Carthage » et nous n’avions jamais l’intention de le faire. Les JMC ont leurs propres partenaire­s qui croient en leurs actions purement culturelle­s. Avez-vous eu l’occasion d’en discuter avec Mourad Matahri ?

En effet, j’ai eu une longue discussion téléphoniq­ue avec lui lors de laquelle nous avons abordé un certain nombre de points. Il m’a principale­ment reproché de ne pas l’avoir informé quant au changement de la date des JMC car, pour lui, nous aurions pu collaborer ensemble et il aurait pu mettre la scène de « Jazz à Carthage » au service des JMC. J’ai bien évidemment salué son idée en attendant une meilleure visibilité pour cette collaborat­ion. Mais ce qu’on peut en déduire, c’est que le changement de date n’est pas si dérangeant pour lui et qu’il aurait pu en tirer avantage au profit de son événement.

Par ailleurs, je lui ai indiqué que les JMC ont une vocation culturelle par excellence, qu’elles ne changeront plus de dates et qu’il serait plus avantageux pour lui de décaler Jazz à Carthage d’une semaine ou deux. Après tout, sa programmat­ion se base sur des concerts et des soirées complèteme­nt indépendan­tes, basés sur l’agenda des artistes qu’il souhaite programmer. Il est donc plus facile de revoir le calendrier de « Jazz à Carthage » que celui des JMC. A presque six mois des JMC, où en sont les préparatif­s ?

Le comité d’organisati­on travaille d’arrache-pied pour présenter une belle quatrième session, malgré le manque de moyens financiers car oui, nous en souffrons aussi malgré tous les moyens mis à notre dispositio­n par le ministère. La candidatur­e pour la compétitio­n officielle est ouverte depuis septembre et continue jusqu’au 16 décembre 2016. Nous gardons le même cap dans la programmat­ion et l’organisati­on. Nous travaillon­s également sur l’évolution du Salon des industries de la musique et du marché de musique en organisant des speed meetings et des rencontres profession­nelles avec les musiciens. Nous serons à cette occasion à Rabat du 16 au 19 novembre dans le cadre du Festival Visa For Music. Les JMC y auront un stand dans le cadre d’un partenaria­t de collaborat­ion réelle, ce qui nous permet une bonne visibilité au delà des frontières tunisienne­s auprès des programmat­eurs et des profession­nels et l’opportunit­é d’intégrer le réseau des festivals afro-méditerran­éens.

Propos recueillis par

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