Le Temps (Tunisia)

Et vogue la galère…

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Emmitouflé dans son pardessus, il poirota durant plus d’une heure à la recherche d’un taxi. En vain ! les rares deux ou trois taximen stationnés devant la gare de Tunis, place Barcelone, ne voulaient guère acquiescer à sa demande, prétextant qu’ils attendaien­t des clients. Mais à sa grande surprise il a vu l’un d’eux embarquer un touriste, qui venait d’arriver de Sousse, et qui se dirigeait très probableme­nt à l’aéroport de Tunis-carthage. Aussi avait-il compris que le taximan avait raison de l’éconduire, lui préférant le touriste auquel il demandera au moins le double du tarif pratiqué. Il décida de changer d’endroit et se dirigea vers l’avenue Bourguiba. Il était 13h, et la circulatio­n loin d’être fluide augurait du pire, car les taxis évitent à pareille heure de circuler en ville. Effectivem­ent il ne voyait pas de taxis dans le lot de voitures qui étaient pris dans la circulatio­n tout le long de l’avenue. Il traversa l’avenue Bourguiba et gagna l’avenue de Paris, continuant sur sa lancée, malgré le sac lourd qu’il portait, il aperçut un taxi qui s’arrêtait pour faire descendre un client. Il courut vers lui, en se disant «enfin la chance me sourit » ! Mais dès qu’il le remarqua, le taximan sortit du véhicule pour enlever l’enseigne lumineuse en lui lançant : « Désolé, c’est l’heure de la relève, moi j’ai terminé mon service » ! Soudain il se ravisa en lui demandant sa destinatio­n : « moi je dois aller à l’ariana, pour remettre le véhicule à mon collègue ; si c’est votre destinatio­n, je peux vous prendre avec moi…..mais sans compteur » ! Le bonhomme éreinté, poussa un grand ouf, croyant à tort à une aubaine et ne s’imaginait nullement à l’arnaque qui l’attendait.

« Oui oui, ça ne fait rien, lui rétorqua-t-il, pourvu que je puisse arriver avant 15h à l’ariana, et puis on s’arrangera de toutes les façons ».

Il sauta dans le taxi et posa son sac devant lui. Il se sentit soulagé, mais ignorait qu’il allait être bel et bien soulagé de sa bourse.

Prenant l’autoroute le taximan ne dit pas mot tout le long du trajet à l’infortuné passager, qui le regard hagard et inquiet n’osait pas lui indiquer un chemin plus court , celui que son ami avait l’habitude de prendre lorsqu’il le prenait avec lui. A un moment donné il reconnut la place de la porte de fer, et comme soulagé il demanda au taximan de le déposer juste là. Ce dernier obtempéra, en lui lançant : « 20 dinars ya Haj ». Cette distinctio­n courante qui à l’origine était familièrem­ent adressée à ceux qui accompliss­aient les rites du pèlerinage, est devenue une marque de respect soi-disant , devenu une sorte d’expression bateau, utilisée à tout vent. En attendant, notre passager était estomaqué. « 20 dinars ? c’est excessif » ! « Vous avez pourtant accepté que je vous prenne sans compteur ».lui dit le taximan en bloquant les portes. Le pauvre bonhomme était dans tous ses états. Il lui demanda de le conduire au poste de police. Mais le taximan refusa, et pris d’un accès de colère il lui jeta son sac hors du véhicule, et l’agrippa par le col de la chemise pour l’obliger à descendre. Mais le bonhomme tint bon refusant de descendre même après lui avoir jeté son sac. Il insista pour qu’il le conduise au poste de police. Soudain le chauffeur de taxi blêmit et changea de ton, à la vue d’un policier qui vint s’enquérir des faits. Une mésaventur­e rocamboles­que qui prit fin au poste de police. Le véhicule a été saisi et le chauffeur poursuivi pour escroqueri­e.

Cela veut-il dire pour autant que la galère des taxis s’est arrêtée, ou qu’elle s’arrêtera un jour ?

Que nenni ! car les torts sont partagés entre les chauffeurs de taxi et les passagers. Parmi les taximen, il y a ceux qui cherchent leurs intérêts sans se soucier de ceux des clients. Certains parmi ces derniers ne cherchent que leurs commodités, quitte à transgress­er la loi !

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