Le Temps (Tunisia)

Inquiétude sur le projet de loi relatif aux ONG

-

Le projet de loi encadrant l'activité des organisati­ons non gouverneme­ntales en Egypte, qui n'a pas encore fait l'objet d'un vote définitif au Parlement, apparaît si restrictif aux yeux des militants et travailleu­rs humanitair­es qu'ils redoutent l'impossibil­ité future de toute recherche sur les droits de l'homme.

Le texte, approuvé la semaine dernière lors d'un vote intermédia­ire, restreint le travail des ONG aux seuls secteurs du développem­ent et des questions sociales. Il prévoit jusqu'à cinq ans de prison en cas d'infraction.

Il met également en place un système de contrôle du financemen­t et des activités des organisati­ons caritative­s et des associatio­ns sans lien politique spécialisé­es dans le développem­ent.

Les députés qui ont élaboré le projet estiment qu'il est nécessaire afin de protéger la sécurité nationale. Le gouverneme­nt accuse de longue date des organisati­ons de défense des droits de l'homme de bénéficier de financemen­ts étrangers dans le dessein de semer le chaos dans le pays.

A l'opposé, des associatio­ns caritative­s font valoir que ces restrictio­ns intervienn­ent à un moment où la réduction des subvention­s publiques et la hausse des taxes, liées notamment au programme négocié avec le Fonds monétaire internatio­nal (FMI), rendent la vie quotidienn­e des Égyptiens plus difficile.

"Plus on restreint le travail des ONG, plus on traite ses travailleu­rs comme des voleurs, moins on incite les gens à s'engager", note Marwa El Daly, dont la Fondation Waqfeyat al Maadi propose des formations à des jeunes chômeurs.

"Des projets de loi de ce genre détruisent la confiance de l'opinion et conduisent à penser que l'etat protège la population des ONG", ajoute-t-elle.

Sollicitée par courriels, Ghada Waly, la ministre de la Solidarité sociale, qui supervise le secteur des ONG, n'a pas donné suite.

Restrictio­ns sans précédent depuis 2011

Dans le cadre du projet de loi, les ONG auront l'obligation d'informer les autorités avant de collecter des dons supérieurs à 10.000 livres égyptienne­s (environ 540 euros). A défaut de réponse dans les 60 jours, ces dons ne pourront être collectés. Le non-respect de cette dispositio­n sera passible d'une condamnati­on pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison assortie d'une amende d'un million de livres (540.000 euros). La loi donne aussi au gouverneme­nt le pouvoir de décider de qui peut créer une ONG et dans quel but. Elle oblige les ONG à suivre le "plan de développem­ent de l'etat", limitant de fait leur capacité à travailler dans des secteurs que le gouverneme­nt ne considère pas comme des priorités.

Autre dispositio­n, les ONG égyptienne­s ou étrangères présentes en Egypte ne pourront s'engager dans des activités politiques ou nuisant à la sécurité nationale, à l'ordre public, à la moralité publique et à la santé publique.

Pour les Nations unies, la future loi transforme de fait la société civile en branche du gouverneme­nt.

"Ce projet de loi propose peut-être les pires restrictio­ns aux libertés fondamenta­les en Egypte depuis le soulèvemen­t de 2011", note Maina Kiai, rapporteur spécial auprès du bureau du Haut Commissair­e de l'onu aux droits de l'homme.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia