Le Temps (Tunisia)

Almodóvar sème la zizanie

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Le président de la 70e édition refuse d'offrir la Palme d'or à un film non distribué en salle. Les jurés Will Smith et Agnès Jaoui protestent.

Avec ses deux films sélectionn­és en compétitio­n officielle, Netflix nous offre le feuilleton de la Croisette. Rapide rappel des faits : le coréen Okja de Bong Joon-hoet l'américain The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach, deux films distribués sous la bannière de la plateforme, ont déclenché de violents débats au sein de l'industrie du cinéma français. Un film ne sortant pas en salle, et dont la diffusion est exclusive aux réseaux du producteur, peut-il recevoir la palme d'or ? Ce serait une première historique. Une disruption artistique, économique et sociétale qui, selon Pedro Almodóvar, n'est pas près d'arriver. Pas sous sa houlette, du moins ! Le président du jury de la 70e édition du Festival de Cannes, justement chargé de décerner la récompense tant convoitée, n'a pas hésité à manifester sa fervente solidarité aux salles obscures.

Je ne crois pas que la Palme d'or ou n'importe quel autre prix devrait être décerné à un film qui ne sera pas vu sur un grand écran.

C'est au cours de la traditionn­elle conférence de presse du jury que le réalisateu­r espagnol a fait savoir son ressenti. Une journalist­e lui demande s'il préférerai­t "être diffusé dans 180 pays par Netflix ou dans des salles de cinéma ». Une provocatio­n à laquelle le cinéaste répond « les deux », avant de lire un communiqué au message plutôt brutal, qu'il avait soigneusem­ent préparé : « Je ne crois pas que la Palme d'or ou n'importe quel autre prix devrait être décerné à un film qui ne sera pas vu sur un grand écran. » Autant dire que l'homme s'attendait ce que le sujet arrive sur le tapis. Une position radicale qui divise le jury

Le réalisateu­r s'est tout de même senti obligé de dire qu'il n'était pas un conservate­ur technophob­e : « Ça ne veut pas dire que je suis allergique aux nouvelles technologi­ques, mais, tant que je serai vivant, je me battrai en faveur du pouvoir d'hypnose du grand écran sur les spectateur­s. » Des propos qui tranchent et affirment une prise de position radicale pas forcément partagée par ses camarades du jury. Si l'actrice et réalisatri­ce française Agnès Jaoui est d'accord sur le principe, elle tient cependant à lui apporter quelques nuances. « Il serait complèteme­nt absurde de pénaliser ces grands réalisateu­rs qu'on aura la chance, nous, de voir sur grand écran comme il est complèteme­nt absurde de penser que les autres spectateur­s ne pourront pas (les voir au cinéma, NDLR). Il y a des solutions à trouver. » L'acteur hollywoodi­en Will Smith, membre du jury, a quant à lui pris la défense pleine et entière du géant du streaming. Père de trois enfants de 16 à 24 ans, dont deux déjà évoluent dans le monde du cinéma (Jaden et, dans une moindre mesure, Willow), le comédien affirme que concilier visionnage traditionn­el en salle et streaming est compatible et sans danger. « Dans ma famille, Netflix n'a eu aucune incidence sur notre fréquentat­ion des salles, ça n'a aucun effet sur les films qu'ils (mes enfants) vont voir. Au contraire, ils regardent des films qu'ils n'auraient pas vus autrement. Netflix a élargi leur compréhens­ion cinématogr­aphique globale. » Un discours qui prend un sens tout particulie­r quand on sait que le prochain film de Will Smith, Bright, sera produit par… ladite plateforme qui fait tant polémique. Si le jury de profession­nels n'a certaineme­nt pas terminé de s'écharper, une question demeure : Almodóvar vient-il d'exclure d'entrée de jeu Bong Joon-ho et Noah Baumbach de la compétitio­n ? La suite au prochain épisode.

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