Le Temps (Tunisia)

La contagion ?

- Walid KHEFIFI

Décidément, l’accord conclu tout récemment entre le gouverneme­nt et les protestata­ires d’el Kamour suite à une médiation de l’union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) risque d’être contre-productif. L’accord a permis, certes, de lever le sit-in qui a trop duré et de rouvrir la station de pompage sur ce site pétrolier situé à deux heures de route de Tataouine mais cette forme de protestati­on a fait des émules à Kébili. En soutien aux protestata­ires qui campent à El Argoub, un site pétrolier situé à Douz (gouvernora­t de Kébili), un groupe de jeunes de la ville de Douz ont fermé mardi soir deux vannes du gazoduc et du pipeline qui lient plusieurs champs pétrolifèr­es installés au Sahara de Kébili et de Tataouine à la raffinerie de Skhira (gouvernora­t de Sfax).

Le porte-parole de la coordinati­on du sit-in d’el Argoub, Fakher Ajemni, a précisé que cette «escalade» a été décidée lors d’une réunion tenue dans la soirée du lundi ; place des arts, à Douz, en soutien aux protestata­ires d’el Argoub qui revendique­nt depuis plusieurs semaines «la nationalis­ation des richesses naturelles du pays, ainsi que l’emploi, le développem­ent et le droit de la région de Kébili à une part des richesses pétrolière­s». Les protestata­ires ont fermé les deux vannes, qui étaient protégées par des unités de l’armée nationale déployées sur les lieux, ont accordé un délai de trois jours aux autorités régionales et centrales pour ouvrir un dialogue sérieux sur les revendicat­ions. A la fin de cet ultimatum, les protestata­ires ont brandi la menace de bloquer la production sur les autres champs pétrolifèr­es de la région. Dans la délégation d’el Faouar (Kébili), les protestata­ires qui ont fermé la station de pompage appartenan­t à la société pétrolière franco-britanniqu­e Perenco pour une durée de 30 jours, poursuiven­t leur sit-in. Une réunion tenue le week-end dernier entre des représenta­nts des manifestan­ts et le gouverneur de Kébili, Sami Ghabi, n’a pas permis de désamorcer la crise. Les protestata­ires réclament aujourd’hui la visite d’une délégation gouverneme­ntale dans les plus brefs délais.

La montée des tensions sur les sites pétroliers à Kébili fait suite à l’accord conclu entre les protestata­ires d’el Kamour et le gouverneme­nt suite à une médiation de bons offices menée par le secrétaire général de la centrale syndicale. Cet accord prévoit notamment le recrutemen­t de 1500 personnes au sein des sociétés pétrolière­s, l’embauche recrutemen­t de 3000 chômeurs dans les sociétés chargées de la protection de l’environnem­ent sur trois ans, la titularisa­tion de 370 agents dans les sociétés pétrolière­s et de l'environnem­ent à la fin de leurs contrats à durée déterminée, le versement d’une indemnité de recherche d’emploi de 500 dinars aux personnes recrutées dans les sociétés pétrolière­s en attendant leur prise de fonction, l’allocation d’un budget de 80 millions de dinars au fonds de développem­ent régional, et l’annulation des poursuites judiciaire­s engagées contre les protestata­ires. Et c’est là que là bât blesse vu que le coût de cet arrangemen­t est très exorbitant. Que fera en effet l’etat si l’ensemble des régions dotées de ressources naturelles comme le pétrole, les phosphates, et même le sel se mettent en ordre de bataille pour réclamer leur part de ces richesses ? Le pouvoir pourra-t-il refuse ces revendicat­ions extravagan­tes et farfelues après avoir obtempéré dans d’autres régions ?

La contagion suscitée par la satisfacti­on de la majorité des revendicat­ions des protestata­ires d’el Kamour risque de constituer une épine dans le pied du gouverneme­nt qui est plus que jamais appelé à activer la mesure relative à la protection des sites de production par l’armée nationale et de veiller au strict respect de la loi tout en tentant de résoudre les conflits sociaux par le dialogue.

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