Le Temps (Tunisia)

Roger Stone, le mauvais génie de Donald Trump

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Le soir où Donald Trump a viré le directeur du FBI James Comey, Roger Stone s'est offert un bon cigare. Pour ce soutien de la première heure du président des Étatsunis, cité dans l'affaire russe qui fait trembler la Maison-blanche, une victoire se fête toujours avec style. Ce style dont, à ses heures perdues, ce consultant républicai­n se fait le chantre sur son blog mode. Fin 2016, il y dressait le classement de l'année écoulée en vantant la classe de Justin Trudeau et Winona Ryder et en lâchant son venin sur sa vieille ennemie vaincue, Hillary Clinton:

«2016 nous a offert la version Dr Denfer de Hillary Clinton ainsi que beaucoup d'autres accoutreme­nts évoquant des despotes du Tiersmonde et des super-méchants arrivistes. À certains moments, beaucoup se sont même dit que sa garde-robe trop grande et encombrant­e dissimulai­t un dispositif médical permettant la poursuite de sa campagne.»

On ne sait pas à quel rang Stone lui-même se classerait, mais on aperçoit un ample échantillo­n de sa garde-robe dans Get Me Roger Stone, documentai­re à sa sombre gloire sorti en mai sur Netflix: costumes rayés, veste crème sur bretelles, noeud papillon, imperméabl­e d'un chic tout britanniqu­e et un verre de Martini souvent à portée de la main, façon James Bond. Et quand il tombe le haut, il affiche dans son dos le portrait tatoué de Richard Nixon. Si Stone remporta sa première victoire politique «contre» le futur président républicai­n –en 1960, lors d'un vote fictif, il fit à croire à ses camarades de primaire que Nixon voulait instaurer l'école le samedi, et Kennedy l'emporta–, celui-ci reste l'homme de sa vie politique. En 1972, à même pas vingt ans mais déjà consultant amateur, il laisse tomber ses études pour travailler à sa réélection. Cela lui vaut une présence peu enviable dans le rapport d'enquête du Sénat américain sur le Watergate, au chapitre coups tordus: sous le pseudonyme de Jason Rainier, il avait notamment versé 6.000 dollars à un détective privé pour qu'il infiltre la campagne de candidats démocrates, et effectué une fausse donation au nom d'une organisati­on de jeunes socialiste­s au profit un candidat républicai­n afin de le discrédite­r.

L'épisode a quelque peu freiné sa carrière dans les années 1970, mais il n'en a pas gardé rigueur à Nixon: appelant un de ses chiens Milhous (le second prénom du président déchu), adoptant son gimmick du «V» de la victoire bras largement écartés, il est resté proche de lui jusqu'à sa mort en 1994. Tout en contribuan­t depuis à toutes les campagnes présidenti­elles victorieus­es des Républicai­ns, ce qui lui a valu des surnoms aussi flatteurs que «le Parrain» ou «le prince des ténèbres».

Il a fait campagne de manière active pour Reagan dans le Nordest démocrate, a contribué de manière plus lointaine aux campagnes des Bush père et fils et a participé à celle de Trump dès l'annonce de la candidatur­e du milliardai­re, en juin 2015. Toujours avec un goût certain pour les coups tordus, qu'il s'agisse de faire accuser en 1982 un candidat démocrate de violences conjugales ou d'inciter en 2011 Trump, alors déjà vu comme un possible postulant à la Maisonblan­che, à exploiter la fausse affaire du certificat de naissance d'obama. «Tu connais Donald Trump?» Si cela n'avait tenu qu'à lui, ce «jockey en quête de cheval», cette campagne Trump aurait d'ailleurs eu lieu plus tôt. Les deux hommes, rappelle Stone dans son dernier livre, The Making of the President 2016. How Donald Trump Orchestrat­ed a Revolution, sont proches depuis quarante ans.

En 1979, fraîchemen­t embauché par Reagan, Stone trouve dans un répertoire de personnali­tés newyorkais­es à contacter le nom de l'avocat Roy Cohn, bras droit du sénateur Mccarthy durant la «chasse aux sorcières» et procureur lors du procès des époux Rosenberg. Ce dernier le reçoit chez lui, en robe de chambre de soie, alors qu'il termine un rendez-vous avec un de ses clients, le mafieux Anthony «Fat Tony» Salerno, et lui explique ce qu'il peut faire pour faire battre ce «cultivateu­r de cacahuètes incapable» de Jimmy Carter: «Ce dont tu as besoin, c'est de Donald Trump. Tu connais Donald Trump?»

Le jeune promoteur accepte de contribuer à la campagne de Reagan, et intègre Stone à son entourage profession­nel et amical. Le conseiller l'assiste dans ses affaires de casinos –cela lui vaudra, en 2000, une amende de 100.000 dollars pour avoir participé à une campagne anonyme de publicités antijeu voulue par Trump pour affaiblir ses concurrent­s– mais l'incite aussi à se lancer en politique. En 1987, alors que Trump met la dernière main à son best-seller The Art of the Deal, Stone lui soumet l'idée de défier Mario Cuomo, le très populaire gouverneur démocrate de l'état de New York. Le milliardai­re refuse l'obstacle mais son conseiller le convainc, pour affirmer son image publique, de publier dans la presse une tribune, sous forme de publicité, critiquant la politique étrangère américaine.

En 1999, il le pousse à se présenter à l'investitur­e du Parti de la réforme, qui a recueilli 19% et 8% des voix lors des deux présidenti­elles précédente­s sous la bannière du milliardai­re Ross Perot. La candidatur­e de Trump avorte vite, mais Stone a joué un coup de billard à deux bandes: l'épisode a creusé les divisions au sein du parti, qui ne peut plus prétendre concurrenc­er les Républicai­ns. Un coup tactique qu'il répétera en 2004 en contribuan­t bénévoleme­nt à la campagne pour l'investitur­e démocrate du révérend Al Sharpton, manière indirecte d'intensifie­r la compétitio­n pour affaiblir le futur adversaire de George W. Bush…

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