Les Tunisiens vivant à l'étranger répondront-ils présents ?

Viendront, viendront pas ? Alors qu’ils étaient habitués à passer une bonne partie de leurs vacances en Tunisie durant l’été, les Tunisiens vivant à l’étranger se font, depuis quelques temps, de plus en plus hésitants à rentrer au bercail durant la saison estivale. Certains évoquent l’instabilité sécuritaire postrévolution, d’autres la gabegie ambiante ou encore la cherté des prix quand d’autres disent redouter de se faire « plumer ».

Ils sont Tunisiens et ont fait le choix d’aller travailler ou étudier à l’étranger. Leur nombre dépasse les 1,2 million de personnes. Ils sont un peu partout dans le monde avec une forte concentration en Europe, spécifiquement en France. Leur retour au pays pour quelques jours ou quelques semaines représente une véritable bouffée d’oxygène pour l’économie locale. Certains font de petits passages éclair tout au long de l’année au pays quand d’autres, les plus éloignés surtout, préfèrent y passer une bonne partie de leur congé annuel pour bien profiter de la famille et des amis. Une dizaine de jours environ durant lesquels ils dépenseront, parfois sans compter, des sommes assez conséquentes de devises converties en dinar, pour le plus grand bonheur des caisses de l’etat. Leur venue est donc plus que souhaitée et souhaitable et chaque année, des dispositifs sont mis en place par les autorités concernées pour faciliter leur arrivée et leur séjour, du moins en théorie. Car en pratique, les choses sont légèrement différentes. En effet pour ceux qui optent de faire le voyage en bateau, nombreux sont ceux qui redoutent l’arrivée au port de la Goulette. Malheureusement, les récits de tentatives de soustraction d’argent rapportés par les Tunisiens de retour au pays se suivent et se ressemblent. Le dernier en date, celui d’une dame qui a témoigné lors d’une émission télévisée pour raconter sa mésaventure avec un agent de la douane. Elle raconte qu’une fois arrivée au port en début d’après midi, elle a été rackettée par un agent alors qu’elle était à bord de sa voiture en compagnie de ses deux enfants. D’après son témoignage, l’agent lui aurait soutiré plus de 1000 dinars, menaçant de la contrevenir si elle refusait de lui remettre la somme indiquée. Comment ne pas la croire alors que son témoignage est étayé de détails et que pareil récit est monnaie courante chez plusieurs arrivants par voie portuaire ?

Lamia vit en France depuis plus d’une quinzaine d’année. Elle est arrivée en Tunisie deux jours avant l’aïd. Interrogée sur ses vacances au pays, son ton est amour. Elle déclare : « J’aime profondément mon pays mais chaque été, j’ai l’impression que je suis une vache qu’on trait. Il est vrai que nous sommes bien payés à l’étranger mais le coût de la vie y est beaucoup plus élevé. De plus, l’argent que nous ramenons en Tunisie, nous voulons le dépenser selon notre convenance pour nous amuser pendant nos vacances et non pas pour payer des pots-de-vin à chaque pas. » Ezzeddine est lui aussi résident à l’étranger depuis plus de quarante-cinq ans. Il est père de deux grands enfants, tous deux mariés. Il raconte : « Depuis que je suis à la retraite, je passe une bonne partie de l’année en Tunisie mais je trouve de plus en plus de difficulté à convaincre mes enfants de venir passer leurs vacances au pays avec leurs petites familles. Ils me disent qu’aux prix des hôtels et des autres prestations touristiques, ils préfèrent aller découvrir d’autres pays qui sont tout au tant attractifs si ce n’est plus et qui proposent des promotions très intéressantes. Face à leurs arguments, je peine à trouver des raisons convaincantes. » Car oui, les prix proposés par certains établissements hôteliers mais aussi par la compagnie aérienne nationale pour les billets d’avion sont loin d’être attractifs, surtout pour une famille nombreuse, qui pour le même prix d’une semaine en demi pension, peut passer quelques jours en Espagne, en Grèce ou ailleurs, la qualité de service et le dépaysement en bonus ! Depuis les coups durs essuyés par le tourisme suite aux attentats terroristes du Bardo et de Sousse, d’importantes campagnes ont été lancées à l’étranger pour convaincre les touristes de venir passer leurs vacances chez nous. Grâce à la stabilité politique et sécuritaire du pays depuis quelques temps, les indicateurs sont de nouveau au vert et les touristes reviennent petit à petit. Mais qu’a-t-on fait pour inciter les Tunisiens résidents à l’étranger de venir passer leurs vacances au pays ? Comment les persuader qu’ils sont bien plus qu’une simple caisse emplie de devises que l’on veut vider ? Comment leur faire oublier que certaines parties ont suggéré de leur appliquer un impôt, une sorte de taxe annuelle imposable pour leur soutirer encore un peu plus d’argent ? Comment les convaincre que la Tunisie est une jolie mosaïque et que sans eux, le tableau est incomplet ?