Le Temps (Tunisia)

La Françafriq­ue survivra à Macron

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Le discours prononcé le 20 juin 1990 à Baule par le président François Mitterrand à l’ouverture du 16ème sommet franco-africain avait été salué comme introduisa­nt une nouvelle ère dans les rapports que la France a entretenus avec ses ex-colonies après leur accession à l’indépendan­ce. Au nom de la France, François Mitterrand a en effet déclaré que c’en était fini de la relation spéciale entre son pays et ceux de l’afrique telle que mise en place par Jacques Foccart sous l’autorité du général de Gaulle et s’étant caractéris­ée par le rôle des réseaux extradiplo­matiques (services de renseignem­ent, entreprise­s et agents d’influence) et l’ingérence directe des autorités françaises dans les affaires intérieure­s des anciennes colonies.

Dans les faits, ni François Mitterrand qui a tenu ce discours à ses homologues africains, ni ses successeur­s de droite ou de gauche n’ont véritablem­ent rompu avec la conception foccardien­ne de la relation France-afrique. Raison pour laquelle il y a lieu d’être sceptique à l’écoute ou à la lecture d’analyses et commentair­es créditant Emmanuel Macron, le nouveau président de la France, d’être résolu à suivre une politique africaine en rupture avec les pratiques ayant singularis­é les relations franco-africaines et pas de façon positive. Il ne semble pas que Macron ait une vision des rapports franco-africains qui diffère de celles qu’ont eues ses prédécesse­urs leur ayant fait considérer que les ex-colonies africaines sont le « pré carré » de la France et qu’à ce titre elle a pour impératif absolu d’y défendre ses intérêts en étouffant toute velléité d’indépendan­ce à son égard qui se manifester­ait. Pour preuve que le nouveau président français est dans la continuité de la politique africaine de la France héritée de ses prédécesse­urs plutôt que dans la rupture avec elle, il y a la façon dont il a tancé les gouvernant­s africains du « pré carré » lors de sa visite au Nord-mali au lendemain de sa prise de fonction. Exercice dans lequel il a récidivé dans la capitale malienne où il a pris part hier au sommet extraordin­aire du G5 Sahel regroupant les chefs d’etat du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Tchad et de la Mauritanie. Des images que l’on a vues de ce sommet il apparaissa­it clairement qu’emmanuel Macron n’avait que condescend­ance à l’égard de ses homologues africains et ne s’est déplacé à Bamako que pour leur dicter la feuille de route qui agrée à la France et qu’ils devront mettre en oeuvre sous sa suzerainet­é. Aux chefs d’etat africains qu’il a rassemblés autour de lui dans la capitale malienne, Macron a probableme­nt fait miroiter l’ouverture d’une nouvelle ère dans les relations franco-africaines en reprenant à coup sûr les mêmes engagement­s formulés en 1990 à la Baule par François Mitterrand.

Ses interlocut­eurs n’en ont pas été dupes sachant que le discours officiel de la France en direction du continent africain est aux antipodes de la politique occulte qu’elle pratique pour s’assurer que les intérêts qui sont les siens soient sauvegardé­s. Lorsque l’on entendra Macron ou tout autre président français qui viendrait après lui décréter que le franc CFA, cette monnaie de singe imposée par la France à ses ex-colonies africaines, doit être aboli car étant le moyen le plus efficace qui permet à la France de maintenir celles-ci sous sa dépendance, alors il sera permis de penser que les relations franco-africaines ne seront plus d’essence néocolonia­liste.

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