Pénaliser les géants du web pour lutter contre la propagande terroriste, une bonne idée ?
Royaume-uni-
Theresa May a proposé d’infliger des contraventions aux entreprises du web qui ne supprimeraient pas assez rapidement les messages extrémistes de leurs plateformes. Une mesure inefficace, estime l’organisme responsable de l’évaluation des lois antiterroristes. En réponse aux récents attentats qui ont frappé le Royaume-uni, la Première ministre Theresa May a proposé une mesure pour lutter contre la propagation de discours extrémistes en ligne : infliger des amendes aux plateformes telles que Facebook, Youtube et Google si elles “n’en font pas assez” pour éliminer les contenus relevant de la propagande à caractère terroriste. Le rôle des contenus extrémistes disponibles en ligne dans la radicalisation des terroristes a en effet été une nouvelle fois souligné par les derniers événements. Ainsi l’auteur de l’attentat de Manchester, Salman Abedi, s’était inspiré de tutoriels sur Youtube pour fabriquer la bombe qu’il a fait exploser le 22 mai, rapporte The Independent.
Favoriser la collaboration La proposition de Theresa May a cependant été fortement critiquée, note The Daily Telegraph. Notamment par Max Hill, le directeur de l’organisme britannique de contrôle de la législation antiterroriste, The Independent Reviewer of Terrorism Legislation, qui craint qu’elle ne soit contre-productive. Lors d’une conférence sur le terrorisme et les réseaux sociaux, à Swansea, au pays de Galles, il a averti qu’en “criminalisant” les entreprises du web, les autorités britanniques risquaient de les mettre “hors-jeu”, alors qu’une coopération entre les deux parties est primordiale dans la lutte contre le terrorisme.
Selon The Times, l'idée d'infliger des amendes est au centre d’une série de mesures avec lesquelles le gouvernement entend combattre le terrorisme. Le journal rappelle que son idée de mettre en place une responsabilité légale pour les géants du web faisait aussi l’objet d’une discussion que Mme May a eue avec Emmanuel Macron le 13 juin. En Allemagne, une nouvelle loi, qui doit prendre effet en octobre, permettra de punir d’une amende allant jusqu’à 50 millions d’euros les réseaux sociaux qui ne retireraient pas les contenus illégaux dans les vingt-quatre heures, rappelle The Daily Telegraph dans un autre article. Mais, lors de l’adoption de ce texte par la Chambre basse du Parlement, Facebook avait réagi en déclarant que cela n’allait pas améliorer la lutte contre ce problème de société majeur . Pour l’entreprise, les meilleures solutions doivent être trouvées au moyen d'une collaboration entre le gouvernement, la société civile et l'industrie.
Le risque du dark web De son côté, M. Hill considère que la proposition de la Première ministre britannique rappelle même celles des régimes dictatoriaux : Je ne vois pas comment criminaliser les patrons d’entreprise qui ‘n’en font pas assez’ pourrait nous aider [dans la lutte antiterroriste]. Comment mesurer qu’ils en font assez' ? Nous ne vivons pas en Chine, où l’internet s’éteint brusquement pour des millions d’habitants sur simple décision gouvernementale. Nous vivons dans une société démocratique, on ne peut pas la traiter ainsi.”
M. Hill souligne également le risque qu’il y aurait, à trop contrôler les réseaux sociaux, de voir les contenus litigieux se déplacer vers le ‘dark web’. À l’abri des regards, il sera encore plus difficile de les contrôler, puisque ces contenus pourront toujours être consultés par des terroristes potentiels, tout en échappant au champ d'action de la loi, explique The Times. Est-il en effet temps de brider les géants technologiques ? se demande Charles Arthur dans The Observer. Comme il le relève, des études montrent que des contenus extrémistes émanant de Daech restent parfois sur Youtube pendant plusieurs jours, même si la durée moyenne semble être de moins de vingt-quatre heures”. En proposant une plateforme ouverte, Youtube s'est mis devant un défi impossible à relever, observe le journaliste : Il ne peut empêcher la mise en ligne de vidéos extrémistes à moins d'examiner chaque contenu avant sa publication. Or, rien qu'à cette idée, les directeurs des géants du web sont terrifiés.