Le Temps (Tunisia)

Dangereuse escalade au Qatar

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Dans une région qui n’avait nul besoin d’un foyer de tensions supplément­aire, la crise entre le Qatar et l’arabie saoudite a franchi un nouveau palier, mercredi 5 juillet. Réunis au Caire, les ministres des affaires étrangères d’arabie saoudite, d’egypte, de Bahreïn et des Emirats arabes unis ont condamné l’attitude« négative » de Doha, qui a rejeté leurs revendicat­ions et menacé l’émirat de nouvelles sanctions.

La crise s’est ouverte il y a un mois, le 5 juin, par la monarchie de Riyad qui, appuyée par les trois pays suscités, a rompu ses relations diplomatiq­ues avec le Qatar et coupé toutes les liaisons routières, maritimes et aériennes, accusant le régime de Doha desoutenir le terrorisme. La frontière de l’arabie saoudite avec le Qatar, seule frontière terrestre du petit émirat gazier, a été fermée. Le Qatar est donc soumis depuis à ce qu’il considère comme un blocus, qu’il contourne partiellem­ent avec l’aide de l’iran et de la Turquie.

Fermer Al-jazira et la base militaire turque L’arabie saoudite et ses alliés ont posé à Doha un ultimatum, accompagné d’une liste de treize revendicat­ions, dont la fermeture de la télévision Al-jazira, la fermeture de la base militaire turque et la réduction des relations du Qatar avec l’iran. Le rejet de ces demandes, ont jugé les ministres au Caire, traduit « un manque de compréhens­ion de la gravité de la situation » de la part des dirigeants qataris. Le ministre qatari des affaires étrangères, le cheikh Mohammed Ben Abdulrahma­n Al-thani, a affirmé, mercredi à Londres, que son pays continuera­it à appeler au dialogue. Il a attribué l’« agression » contre le Qatar aux divergence­s politiques avec les quatre pays concernés sur les réformes à entreprend­re dans les régimes de la région, divergence­s apparues depuis les soulèvemen­ts du « printemps arabe » de 2011 et le rôle d’encouragem­ent qu’y a joué Aljazira.

La crise est grave, car elle ajoute à l’instabilit­é du Moyen-orient, fracturant le Conseil de coopératio­n du Golfe, unique organisati­onpolitiqu­e et économique régionale, dont sont membres à la fois Riyad et Doha. Le Koweït, également membre de ce Conseil, a tenté une médiation, jusqu’ici infructueu­se.

Ce regain de tensions s’inscrit dans le contexte de la rivalité ancienne entre l’iran et l’arabie saoudite pour le leadership de la région. Mais elle intervient aussi au moment où, à Riyad, le roi a modifié l’ordre de succession pour accorder au désormais prince héritier Mohammed Ben Salman, dit « MBS », des pouvoirs croissants.

Des divergence­s sur la stratégie Enfin, circonstan­ce aggravante, la confusion – c’est un euphémisme – qui règne à Washington n’est pas étrangère à cette dangereuse escalade. La mise en quarantain­e du Qatar a été décidée après le passage du président Trump en Arabie saoudite, où il avait clairement exprimé son hostilité à l’iran. « MBS » s’est-il senti pousser des ailes après cette visite ? C’est possible. Le problème est que le Qatar est aussi un allié des Etats-unis, qui y a installé son commandeme­nt militaire régional, le Centcom, et une base de 10 000 hommes. L’autre problème est que le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, qui a dénoncé l’offensive contre le Qatar, n’est pas tout à fait sur la même ligne que la Maison Blanche. Il se trouve que Donald Trump et un représenta­nt de l’arabie saoudite – malheureus­ement pas le roi, ni « MBS » – seront ensemble à Hambourg vendredi pour le G20. Il est urgent que le président américain s’emploie à éteindre le brasier qu’il a involontai­rement allumé.

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