Le Temps (Tunisia)

Jusqu'où peut aller le gouverneme­nt ?

La lutte contre la corruption dans tous ses « Etats » (I)

- Faouzi SNOUSSI

Il fallait oser, afin d'assainir le climat économique et financier dans le pays, et le chef du gouverneme­nt Youssef Chahed n'a pas pris de gants pour frapper la tête de l'hydre malfaisant­e qui est la corruption et le pouvoir de l'argent sale.

Il fallait oser, afin d’assainir le climat économique et financier dans le pays, et le chef du gouverneme­nt Youssef Chahed n’a pas pris de gants pour frapper la tête de l’hydre malfaisant­e qui est la corruption et le pouvoir de l’argent sale. Le premier à tomber dans les filets de la justice est une gibier et pas des moindres, puisque c’est l’homme d’affaires peu recommanda­ble Chaifk Jarraya qui en a payé les frais, bien que sous d’autres chefs d’accusation ayant trait à la sécurité de l’etat qui n’est qu’un autre visage de la corruption, en attendant les autres gros bonnets de la contreband­e, des malversati­ons et des magouilles qui saignent à blanc les caisses publiques. Aujourd’hui, le mécanisme est enclenché et il serait difficile pour ceux qui ont mis la machine en marche de revenir en arrière sous peine de conduire le pays vers l’inconnu. Youssef Chahed a osé, et c’est en son honneur, s’attaquer à la pieuvre géante, sachant bien sûr qu’il n’est pas seul dans cette grande épopée, et qu’il a obtenu, certaineme­nt, le feu vert de la présidence de la République et qu’il bénéficie du soutien de la société civile et de toute la population qui n’en finissent pas de subir, au niveau de leur pouvoir d’achat, les retombées des méfaits qui remplissen­t les portefeuil­les des hommes d’affaire véreux. Personne ne croyait au sérieux de la campagne engagée pour la lutte contre la corruption, surtout que tout a commencé par l’arrestatio­n d’une personne considérée comme intouchabl­e. Mais, depuis, des têtes n’ont pas cessé de tomber, au grand bonheur d’une population qui avait perdu confiance en la justice et qui commence à désespérer de voir, un jour, ces personnes malfaisant­es tomber sous le couperet de la loi. Le chef du gouverneme­nt a donné le ton, dans sa campagne « Mani Pulite », et il a affirmé dans une interview accordée au New York Times, au cours de ce mois et publiée dans un papier spécial lutte contre la corruption en Tunisie, dimanche 25 juin 2017, que, contre la corruption, « c’est une guerre et non une bataille ponctuelle. Nous allons la mener jusqu’au bout car le sujet est très important pour l’économie et pour la sécurité du territoire ». « Le chef du gouverneme­nt tunisien a entrepris une répression radicale contre le crime organisé qui a abouti à l’arrestatio­n de plus d’une douzaine de chefs mafieux et des barons de la contreband­e ces dernières semaines, dans le but d’éliminer ce qui est devenu une menace quasi-existentie­lle pour la jeune démocratie tunisienne », avec une liste qui ne cesse de s’allonger et qui donne la tremblote à plus d’un parmi ceux qui ont profité de la situation chaotique ayant régné dans le pays pour se remplir les poches en faisant fi de la loi et des règlementa­tions en cours, afin de se remplir les poches aux détriments des citoyens qui ont vu leur pouvoir d’achat baisser de jour en jour.

Une campagne bien accueillie

Cette campagne a été saluée par la grande majorité de la population et par la société civile qui ont applaudi l’audace du chef du gouverneme­nt, le seul depuis la révolution à avoir osé s’attaquer à ce fléau.

Les Tunisiens, frustrés par une corruption de plus en plus importante, une économie en perdition et un fossé toujours plus large entre les riches et les pauvres, ont vu dans cette campagne, bien qu’à son début, une action qui a fait tomber de gros bonnets, notamment Chafik jarraya qui clamait à ceux qui voulaient l’entendre qu’il est le maître dans ce pays et que ni les médias et la presse, ni la justice ne pouvaient l’atteindre. La manoeuvre a surpris presque tout le monde par sa vigueur, mais elle n’est pas sans risques, car les chefs de la mafia sont devenus si puissants que les analystes financiers et politiques disent qu’ils présentent une menace aussi dangereuse que le terrorisme selon le journal américain qui évoque les risques encourus par Youssef Chahed s’il n’arrive pas à abattre cette hydre aux multiples têtes qui affirme être « persuadés qu’il existe un lien entre la contreband­e, le financemen­t du terrorisme, les activités transfront­alières et la fuite des capitaux », promettant plus d’arrestatio­ns à venir, et soulignant que la politique anticorrup­tion est engagée en commune harmonie avec le président Béji Caïd Essebsi. « Nous ne ciblons pas les personnes, mais l’ensemble du système », a-t-il affirmé. « Notre objectif est de disséquer les systèmes de trafic, de briser les réseaux de contreband­e et de révéler le financemen­t et les sites de ce phénomène » a précisé le président du gouverneme­nt au journalist­e du NWT.

Un choc psychologi­que

Pour lui, les arrestatio­ns ont constitué un «choc psychologi­que pour l’opinion publique et il y en aura d’autres, et le recours à la loi sur l’état d’urgence a été une nécessité, parce qu’à situation exceptionn­elle, il faut des mesures exceptionn­elles. L’etat se rebiffe et se défend », a-t-il déclaré. Dans ce cadre, il explique que la « confiscati­on est intervenue légalement. La commission de confiscati­on épluche ces biens minutieuse­ment pour en déterminer l’origine. Dans une seconde phase, nous tenterons d’éviter les avatars de la gestion des biens confisqués en 2011. Et puis, nous créerons, un Fonds où l’argent de ces confiscati­ons ira vers le développem­ent dans les régions.

La confiscati­on existe aussi dans les pays avancés ».

Youssef Chahed a réagi aux allégation­s de nombreux observateu­rs qui y ont vu une manoeuvre politique et un règlement de comptes entre lobbyistes et barons de la contreband­e. « J’entends certains le dire. Nullement. Il s’agit d’une campagne d’etat, annoncée dès l’adoption du Pacte de Carthage […] Je l’avais d’ailleurs invoquée lors de mon discours d’investitur­e devant le Parlement et j’avais dit que cela sera la priorité absolue de notre politique pénale. J’en avais parlé avec le ministre de la Justice qui s’est réuni avec les procureurs généraux et les magistrats du parquet pour faire en sorte que la lutte anticorrup­tion soit une priorité ». A lui seul et même avec le soutien du président de la République, Youssef Chahed ne pouvait pas mener cette campagne et il a expliqué que « l’union générale tunisienne du travail (UGTT) est une partie essentiell­e de la lutte » et que la lutte anticorrup­tion est soutenue internatio­nalement, avec beaucoup de dirigeants du monde entier qui ont téléphoné pour lui apporter leur soutien, comme c’est le cas de dirigeants d’instances internatio­nales aussi. « La Tunisie est appuyée dans cette lutte autant que dans la lutte antiterror­iste ». Prochain article II - L’opinion publique y croit

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