Le Temps (Tunisia)

«Lors des municipale­s, un taux élevé d’abstention ne profitera qu’aux grands partis »

3 Questions à Leïla Chraïbi, présidente de l’associatio­n Tunisienne pour l’intégrité et la Démocratie des Elections (ATIDE)

- Propos recueillis par Walid KHEFIFI

3 Questions à Leïla Chraïbi, présidente de l'associatio­n Tunisienne pour l'intégrité et la Démocratie des Elections (ATIDE)

L’associatio­n tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (ATIDE) a déployé 300 observateu­rs et observatri­ces accrédité(e)s sur l’ensemble du territoire pour observer le processus d’enregistre­ment des électeurs pour les municipale­s de décembre 2017. Sa présidente, Leïla Chraïbi, explique la faiblesse constatée des inscriptio­ns par le mauvais choix de la période estivale ainsi que par le démarrage tardif de la campagne de sensibilis­ation lancée par l’instance supérieure indépendan­te pour les élections (ISIE).

Le Temps: Après un démarrage poussif de l’opération d’enregistre­ment sur les listes électorale­s pour les municipale­s de 2017, les choses ne semblent pas s’améliorer au fil des semaines. Jusqu’au 11 juillet, quelque 143242 nouveaux électeurs seulement ont été enregistré­s. Comment expliquez-vous cette faiblesse des inscriptio­ns ?

Leïla Chraïbi : Plusieurs facteurs expliquent l’inquiétant­e faiblesse des inscriptio­ns sur les listes électorale­s. D’abord, la période d’inscriptio­n choisie n’est pas adéquate dans la mesure où elle coïncide avec la fin du mois de ramadan, la période des examens, les fêtes et les vacances d’été. La campagne de sensibilis­ation relative à cette opération d’inscriptio­n a été aussi lancée très en retard malgré une récente accélérati­on de son rythme. De plus les partis et les organisati­ons nationales ne se sont impliqués dans l’opération de sensibilis­ation que très tardivemen­t. A cela s’ajoute la désaffecti­on des jeunes à l’égard des élections en général. Les population­s, notamment celles des régions intérieure­s, éprouver également une grande désaffecti­on. Leurs aspiration­s qui étaient énormes n’ont pas été satisfaite­s par les divers gouverneme­nts qui se sont succédé depuis la révolution, ce qui a engendré une grande déception.

Les différents sondages laissent croire que le prochain scrutin municipal sera marqué par un taux d’abstention élevé. A qui profiterai­t logiquemen­t cette situation ?

L’abstention profitera naturellem­ent aux grands partis et non aux listes indépendan­tes ou aux petites formations politiques au regard du mode de scrutin choisi pour les prochaines élections municipale­s, en l’occurrence la proportion­nelle au plus fort reste. Ce mode de scrutin, qui a été déjà expériment­é à l’échelle nationale lors des législativ­es et de la présidenti­elle et dans le cadre duquel il s’agit moins de voter pour un homme que pour un parti, est loin d’être recommandé pour des élections à l’échelle locale dans la mesure où il ne bénéficie qu’aux partis et exclut pratiqueme­nt les indépendan­ts. Les élections municipale­s qui représente­nt un scrutin dit de proximité auraient pu constituer une chance inouïe pour les listes indépendan­tes. Un mode de scrutin uninominal aurait en effet permis à des personnes compétente­s, très respectées et connues pour leur intégrité à l’échelle locale d’accéder au poste de maire sans forcément être encartées. Le seuil électoral causera, par ailleurs, un grand éparpillem­ent des voix. Des centaines de milliers de voix risquent en effet de se perdre en raison du mode de scrutin retenu.

Avez-vous des réserves sur le projet de loi relatif au Code des collectivi­tés locales actuelleme­nt en discussion à L’ARP ?

L’ATIDE et d’autres composante­s de la société civile ont été auditionné­es mi-juin dernier a propos du contenu du projet de loi relatif au Code des collectivi­tés locales. Nous avons précisé aux députés que ce projet de loi comporte plusieurs lacunes qu’il faudrait corriger comme une distinctio­n peu claire entre les rôles du conseil municipal, du conseil régional et du gouverneur. Cela constitue évidemment une entorse au principe de l’indépendan­ce du pouvoir local. Nous demandons aujourd’hui à L’ARP d’accélérer la discussion de ce projet de loi dont l’adoption a accusé un retard. Nous pensons que le nouveau texte de loi doit obligatoir­ement être adopté d’ici fin septembre. L’ATIDE refuse en effet la tenue des prochaines élections municipale­s en l’absence d’un nouveau Code des collectivi­tés locales qui concrétise­ra les dispositio­ns de l’article 7 de la Constituti­on.

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