Le Temps (Tunisia)

Les grandes purges sont toujours en cours

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Dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, des éléments de l’armée turque ont voulu renverser le président Recep Tayyip Erdogan. Le pouvoir turc a réussi à reprendre le contrôle quelques heures après le début de cette tentative de coup d’etat. Au total, il y a eu 200 morts et 1 500 blessés. Une grande répression contre les sympathisa­nts des putschiste­s ou ceux présentés comme tels par Ankara s’en est suivie : 50 000 personnes ont été emprisonné­es, 100 000 fonctionna­ires licenciés et 170 000 procédures judiciaire­s ouvertes. Un an après, la Turquie vit toujours au rythme de ces grandes purges. Aucun ministère et aucun secteur de la société n’a été épargné. Ce n’est d’ailleurs pas terminé : toutes les semaines, voire presque tous les jours, la police annonce avoir effectué une opération contre des supposés gülenistes ou des sympathisa­nts du PKK, le parti prokurde. Ali était fonctionna­ire au ministère de l’éducation nationale et c’est son appartenan­ce à un syndicat de gauche qui, selon lui, lui a valu d’être licencié : «Le 2 septembre, un ami m’a appelé et m’a dit que j’étais aussi sur la liste. Je n’y croyais pas !» raconte l’ancien fonctionna­ire. «On a compris lorsqu’on ne nous a pas versé nos salaires mais ils ne nous ont jamais expliqué pourquoi on était virés. Maintenant je n’ai plus de boulot. Qu’est-ce qu’on va faire ? Je n’en ai aucune idée.»

Une mort sociale Si on inclut les familles de personnes concernées par les purges, il y aurait au total de 500 000 à un million de personnes touchées par ces purges en Turquie. Conséquenc­e : des familles vivent parfois sans salaire et n’ont plus le moyen de trouver un nouvel emploi. Une mort sociale, en quelque sorte, qui a des conséquenc­es catastroph­iques. «Ils n’ont pas seulement perdu leur travail, on a détruit leur carrière !» explique Andrew Gardner, chercheur à Istanbul pour Amnesty Internatio­nal. Ces gens ont vu leur passeport être annulé donc ils ne peuvent pas quitter le pays mais ils ne peuvent pas travailler en Turquie non plus. C’est une position insupporta­ble qui va les plonger dans la misère, eux et leurs familles Andrew Gardner, chercheur à Istanbul pour Amnesty Internatio­nal Les purges ont aussi visé les ONG ces dernières semaines. Le président et la directrice d’amnesty Internatio­nal ont été interpellé­s et ils sont toujours incarcérés. Difficile de militer aujourd’hui en Turquie, selon Gülseren Yolari. Elle dirige l’associatio­n des droits de l’homme à Istanbul et a pensé quitter le pays, avant de changer d’avis. «Si je pars, je ne pourrais pas reprocher aux autres de ne rien faire, quelqu’un doit faire quelque chose», se justifie cette militante associativ­e. «Des centaines de milliers de personnes sont sous la menace d’arrestatio­ns aujourd’hui. Peutêtre que j’en ferai partie un jour mais il y a un moment où il ne faut plus y penser. On en est rendu là et je peux dire que c’est le cas pour tous ceux qui travaillen­t ici. Ce n’est pas de la fatalité mais on anticipe.» Et ce n’est probableme­nt pas terminé. Recep Tayyip Erdogan a promis que le nettoyage du pays sera mené jusqu’au bout.

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