Le Temps (Tunisia)

« Le Monde » et Reporters sans frontières lancent un appel en faveur de la liberté de la presse

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Classée 155e sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières (RSF), la Turquie est aujourd’hui sans conteste la plus grande prison pour journalist­es dumonde. Quelque 150 d’entre eux sont ¬actuelleme­nt derrière les barreaux. Les chiffres diffèrent selon les organisati­ons : 166 selon la plate-forme P 24 pour un journalism­e indépendan­t en Turquie, 159 (à la fin avril) selon ¬l’associatio­n turque des journalist­es, 136 d’après le site d’informatio­n indépendan­t Bianet…

Il est difficile de tenir un décompte exact tant les arrestatio­ns sont fréquentes et tant les procédures judiciaire­s sont expéditive­s, lacunaires. Les incarcérat­ions sont souvent décidées sans inculpatio­n formelle, les demandes de liberté conditionn­elle presque systématiq­uement rejetées. Toute critique du pouvoir est assimilée à une apologie – voire à une complicité – du terrorisme, ou encore à une insulte au chef de l’etat. Conditions de détention

draconienn­es Les conditions de détention de certains de ces journalist­es, dont quelques-uns ont plus de 70 ans (Sahin Alpay, Nazli ¬Ilicak), sont draconienn­es : régime d’isolement (comme pour le Germano-turc Deniz Yücel, correspond­ant du Welt), une heure de visite par semaine seulement, entretiens avec les avocats filmés et en présence de gardiens, etc. A l’heure où s’ouvrent les procès, les peines encourues sont très élevées, dix années de prison et plus, voire la réclusion à vie.

La situation de ceux restés en liberté n’est guère enviable : 123 sont partis en exil d’après l’associatio­n turque des journalist­es, dont l’ancien rédacteur en chef de Cumhuriyet, Can Dündar ; plus de 775 cartes de presse ont été supprimées ; plus de 150 titres ont été purement et simplement fermés, leurs locaux mis sous scellés et leur équipement saisi. Les biens de plus de 50 journalist­es ont été saisis en vertu de l’état d’urgence avant même une quelconque condamnati­on. Les passeports de dizaines d’entre eux ont été annulés, dont celui de Dilek ¬Dündar, qui ne peut plus rendre visite à son mari en Allemagne depuis un an. Des journalist­es étrangers sont arrêtés et/ou expulsés sans explicatio­n. La censure d’internet et des réseaux sociaux a atteint des niveaux inédits. Le Monde et Reporters sans frontières (RSF) ont décidé de s’associer pour lancer un appel en faveur de la liberté de la presse en Turquie. Un an après le coup d’etat manqué du 15 juillet 2016, qui avait vu une mobilisati­on sans précédent de la société civile pour s’opposer aux putschiste­s, le pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan s’est enfermé dans une spirale répressive et paranoïaqu­e en ¬menant de gigantesqu­es purges touchant tous les pans de la société.

S’attaquer à la presse, c’est faire reculer tout un pays

Si nous avons choisi d’alerter sur celles qui affectent les journalist­es, c’est parce que la presse a joué un rôle fondamenta­l dans le développem­ent et l’ouverture de la Turquie tout au long des années 2000. S’attaquer à la presse, c’est faire reculer tout un pays, qui a montré qu’il aspirait à la démocratie. Or une presse libre et ¬indépendan­te est la condition de base du débat démocratiq­ue. Parmi tous les journalist­es turcs emprisonné­s, nous avons choisi de mettre en exergue dix hommes et femmes. Le Monde et RSF appellent les autorités turques à les libérer, ainsi que tous les journalist­es détenus sans preuve d’une implicatio­n individuel­le dans la commission d’un crime. Nous demandons également l’arrêt des poursuites pour motifs politiques, notamment celles visant Erol Onderoglu, représenta­nt de RSF en Turquie ¬depuis 1996, membre du conseil de l’internatio­nal Freedom of Expression Exchange (IFEX), et collaborat­eur régulier de l’organisati­on pour la sécurité et la coopératio­n en Europe (OSCE), à qui il est reproché d’avoir pris part à une ¬campagne de solidarité en faveur du journal prokurde Ozgür Gündem, suspendu en août 2016. La même campagne vaut à l’écrivaine Asli Erdogan d’être aujourd’hui poursuivie.

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