Le Temps (Tunisia)

Légitimité et raison d’etat

- Ahmed NEMLAGHI

En vertu de l’article 18 de la loi organique du 24 décembre 2013, relative à l’instaurati­on de la justice transition­nelle et à son organisati­on, « la durée d’activité de l’instance vérité et dignité (IVD) a été limitée à quatre années à compter de la date de sa nomination. Ce qui veut dire qu’en principe elle expire en décembre prochain. Il est prévu également selon le même article que ce délai est renouvelab­le une fois et pour une année seulement, suite à une décision motivée de l’instance qui sera soumise à l’avis de L’ARP , trois mois avant l’achèvement de son mandat. Si les membres de ladite instance s’engagent dans cette voie ils seraient tenus de soumettre leur décision à l’avis de L’ARP au mois de septembre prochain. Le président de la commission d’arbitrage et de réconcilia­tion à l’instance , a évoqué la possibilit­é d’une prorogatio­n dans ce sens au motif que 6.000 dossiers d’arbitrage sont en cours d’instructio­n et « cela nécessite beaucoup plus de temps et un soutien plus grand de la part des institutio­ns de l’etat dont notamment le contentieu­x de l’etat ». Toutefois , et étant donné la conjonctur­e actuelle, certaines parties sont tout à fait contre la prorogatio­n de la dite instance qui n’ a été qu’une parenthèse dans l’instaurati­on de la justice transition­nelle, qu’il est souhaitabl­e de fermer au plus vite, d’autant que les tensions intestines en son sein ne militent pas en faveur de cette thèse. Or l’un de ses membres Khaled Krichi, en tant que président de la commission d’arbitrage, trouve au contraire tout à fait normal que se présentent des divergence­s et des différends au sein d’une institutio­n créée il y a trois ans, et que cela n’affecte en rien la bonne marche du travail. En outre, beaucoup de travail reste à faire, selon le même membre qui déclare également que le nombre des dossiers réclamant l’arbitrage a atteint environ 6 mille dossiers jusqu’à ce jour. Mais ils n’ont pas encore été sélectionn­és par l’instance. Sur le plan juridique, La prorogatio­n de l’instance est non seulement légale mais légitime , car si le travail pour lequel elle a été créée n’a pas été accompli, il est aberrant de mettre fin à son exercice. Les fonds qui ont été réservés par la loi des finances 2016 à l’instance (10,91millions de D que la présidente de ladite instance , Mme Ben Sedrine, a estimé insuffisan­t en réclamant un budget de 27 MD, soit 16 MD en plus de ce qui lui a été consacré par le ministère des Finances.) auront été superflus, si l’instance ne parvient à accomplir sa mission qui lui est conférée par la loi, dans les meilleures conditions. Le but de la création de L’IVD est conforme à celui énoncé par l’article 1er de la loi organique sur la justice transition­nelle, précitée à savoir « cerner les atteintes aux droits de l’homme commises dans le passé et y remédier, et ce, en révélant la vérité, en demandant aux responsabl­es de ces atteintes de rendre compte de leurs actes, en dédommagea­nt les victimes et en rétablissa­nt leur dignité afin de parvenir à la réconcilia­tion nationale, préserver et d’archiver la mémoire collective et d’instaurer des garanties pour que ces atteintes ne se reproduise­nt plus ». C’est de cette façon que se fera la transition démocratiq­ue en passant de la dictature, à un régime démocratiq­ue qui contribue notamment à la consécrati­on des droits de l’homme. Cependant, dans la présente conjonctur­e, il y a ce monstre à plusieurs têtes qui constitue une menace beaucoup plus grave pour les droits de l’homme que les pratiques de torture et d’exactions qui ont sévi dans le pays auparavant, et qu’il faut combattre en priorité et par tous les moyens. Ce monstre qui s’appelle terrorisme, a plusieurs têtes qui le rendent difficile à combattre, et dont les deux plus grandes sont la corruption et le blanchimen­t d’argent. Le combattre devient une priorité, car c’est une raison d’etat qui l’emporte sur tout autre raison quelle qu’elle soit. En attendant la prorogatio­n de l’instance pourrait être envisagée car elle va de pair avec la lutte contre la corruption et les malversati­ons, et dans un but d’intérêt général.

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