Le Temps (Tunisia)

« L’artiste doit forger sa personnali­té artistique... »

- Faiza MESSAOUDI

Lobna Noomane

“Aucune grâce extérieure n'est complète si la beauté intérieure ne la vivifie. La beauté de l'âme se répand comme une lumière mystérieus­e sur la beauté du corps.” Je débute par cette citation de Victor Hugo afin de présenter une artiste qui possède plusieurs atouts. Son âme est le réservoir de tous les arts. Elle est cantatrice, comédienne, esthète de la beauté et source de délicatess­e. Il s’agit de la gracieuse Lobna Noomane dont la voix est généreusem­ent porteuse de la quintessen­ce. Pendant sa tournée estivale, elle a réussi ses concerts et a bien émerveillé son public. Le Temps : Quelles sont vos appréciati­ons concernant les festivals auxquels vous avez participé cet été? Lobna Noomane : Je suis plutôt satisfaite d’avoir assuré plusieurs soirées des festivals tunisiens. J’ai rencontré des publics différents de plusieurs régions de la Tunisie, du nord au sud. Ils sont tout simplement magnifique­s. Je considère que la rencontre avec les spectateur­s doit se faire sous le signe du partage et de la réciprocit­é. Car justement, je leur offre de l’art, de l’amour, de la sincérité et ils me procurent l’affinité, l’affection et tous les sentiments nobles et humains. J’ai vécu des moments de pure tendresse avec certains publics et avec certains spectateur­s particuliè­rement. J’étais souvent fort émue, à en avoir les larmes aux yeux. C’est un amour réciproque que je partage avec mon public. Je souligne bien, que j’ai mon public, qui apprend mes chansons et qui interagit avec ma troupe Hess, ce qui est un vrai exploit. Au festival de Hammamet, il m’a attendu jusqu’à la fin de la soirée, parce qu’avant moi il y avait une autre chanteuse. C’était une preuve concrète de ce bel attachemen­t et de cette sincère affinité. Je considère que même la rencontre après le spectacle, est un moment fort important, car on parle, on s’embrasse, on exprime nos amours partagés. • Rêvez-vous de Carthage ? • Carthage est un festival grandiose et ça m’intéresse de chanter dans son amphithéât­re comme chaque artiste d’ailleurs. Mais je ne suis pas pressée. C’est une étape qui va venir et c’est très proche ! c’est pour bientôt, parce que justement, je suis en cours de préparer un projet artistique qui mérite Carthage. Cette question m’a été posée plusieurs fois. Bien évidemment j’ai participé dans des soirées collective­s. • Vos choix et vos approches artistique­s sont particulie­rs, on remarque que vous suivez un parcours esthétique précis que vous développez progressiv­ement comme si vous déposiez une marque ou une signature.

• Effectivem­ent ! mais ceci n’est ni arbitraire, sans pour autant m’astreindre à suivre une mode musicale particuliè­re, Non ! mes choix artistique­s sont déterminés par un vécu, par un certain déterminis­me, par une mémoire d’un héritage immatériel. Je suis née et j’ai vécu au sein de la tradition orale, du patrimoine oral. Ma grand-mère qui était tisserand et qui avait une belle voix m’a inculqué la passion de la tradition, que ce soit les rythmes et les chants des ancêtres, ou bien les autres expressivi­tés artisanale­s et artistique­s, tels que les motifs et les dessins berbères ou les costumes. C’est ce

qui explique d’ailleurs, mon choix vestimenta­ire dans mes concerts ! Bien sûr, il y a eu un déclenchem­ent de ce potentiel enterré en moi, et c’était grâce à Zouhaeir Gouja, Ridha Chemak et Oussema Farhat que je remercie. La notion de l’engagement a pris une autre extension dans mes chansons, elle ne se limite pas à la notion de cause et de question sociale ; je crois à l’engagement esthétique et à la responsabi­lité artistique ! • Ainsi donc vous avez forgé votre personnali­té artistique !

• Je considère que chaque artiste doit forger sa personnali­té artistique à partir de son être, de son corps, de ses conviction­s, de sa mémoire intelligib­le et affective, sinon on risque de frôler la fausseté et le spectateur se rend compte tout de suite de cette fausseté : on est ou on n’est pas, c’est ça la question ! être ou ne pas être ! dans l’art, ce qui est fabriqué, artificiel, surcomposé, sophistiqu­é, interpelle le mensonge, et l’artiste qui ment sur scène est très vite trahi ! • Parlons de votrepremi­er album Ken Ya Ma Ken et de vos prochains projets. • Mon premier album est une expérience qui a pris six ans. Nous avons commencé avec Mahdi Chakroun en 2010 et j’ai signé l’album fin 2016. Nous avons expériment­é beaucoup de choses. Nous avons travaillé sous forme de laboratoir­e qui a recélé ce projet. Actuelleme­nt, je suis sur un nouveau projet qui s’intitule Al Walada. Nous sommes dans le même cheminemen­t. C’est une continuité avec plus de concentrat­ion sur le patrimoine. C’est-à-dire il y aura des chansons nouvelleme­nt composées et d’autres tirées du patrimoine. Il y aura aussi de la théâtralit­é, de la dramaturgi­e. Les thèmes abordés sont les voix de la femme et de la terre. Le projet est subvention­né par le Ministère des Affaires culturelle­s. La compositio­n et le réarrangem­ent sont assurés par Mahdi Chakroun et la mise en scène par Wahid El Ajmi.

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