Le Temps (Tunisia)

La Corée du Nord défie les Etats-unis et la Chine

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La route semble tracée. L’essai nucléaire auquel a procédé le régime nordcoréen, dimanche 3 septembre, montre la direction. D’ici à la prochaine décennie, la Corée du Nord, petit pays, pauvre, refermé sur lui-même et ses obsessions, devrait être une puissance nucléaire. Elle disposera de la panoplie complète : missiles interconti­nentaux, têtes nucléaires et maîtrise de l’ensemble. Le monde sera un peu plus dangereux. Kim Jong-un, 31 ans, le numéro un du régime, a passé l’été à transmettr­e le message. Après quelques tirs de missiles, l’essai de dimanche – peut-être une bombe à hydrogène – marque une étape de plus dans la course de Pyongyang à l’arme absolue. Depuis 2003 et l’arrêt des pourparler­s engagés par Washington au milieu des années 1990, rien n’a intimidé la Corée du Nord – ni les gesticulat­ions militaires américaine­s, ni les sanctions économique­s internatio­nales, ni les attaques cybernétiq­ues venues des Etats-unis, ni les remontranc­es de la Chine. La Corée du Nord connaissai­t encore de terribles famines en 1990, mais elle soignait ses laboratoir­es… Kim a l’histoire pour lui. Jamais un pays se situant en dehors du cadre du régime de non-proliférat­ion – la « légalité » onusienne dans ce domaine – et résolu à acquérir l’arme nucléaire n’a pu en être empêché. C’est vrai de l’inde et du Pakistan. Ce devrait l’être demain pour la Corée du Nord (elle a quitté le traité de non-proliférat­ion en 2003). Ce jour-là, le régime de nonprolifé­ration sera un peu plus ébranlé. Au XXIE siècle, le club des puissances nucléaires pourrait s’agrandir. Dernier de la dynastie des Kim, élevé en partie en Suisse, le mystérieux jeune homme à la tête de la Corée du Nord (25 millions d’habitants) ne bluffe pas. Il veut que son pays soit reconnu en tant que puissance nucléaire. C’est pour lui la garantie qu’il ne sera pas renversé. Il pérennise un régime dictatoria­l cruel mais dépositair­e d’une partie d’un nationalis­me coréen forgé pendant la guerre et qu’entretient la propagande officielle. Kim s’adresse aux Etats-unis, l’ennemi de la guerre froide et le pays qui, en 2003, a classé la Corée du Nord dans l’« axe du Mal ». Mais il s’adresse aussi à la Chine. L’essai de dimanche a eu lieu au moment où le président Xi Jinping inaugurait un sommet des grandes économies émergentes. Kim voudrait que Pékin fasse pression sur Washington pour admettre la Corée du Nord en tant que puissance nucléaire. Les Etats-unis n’ont cessé de changer de stratégie face à la Corée du Nord. La rupture des négociatio­ns en 2003 n’a eu d’autre effet que d’accélérer la course de Pyongyang vers le nucléaire. Donald Trump manie des menaces apocalypti­ques peu crédibles, pendant que son équipe maintient que la voie diplomatiq­ue reste ouverte. Autant de signaux confus et inefficace­s. La Chine, dont la Corée du Nord dépend pour sa survie économique, a été complaisan­te, sinon complice. La perspectiv­e de ce voisin incontrôla­ble équipé de l’arme nucléaire ne lui plaît pas. Mais celle d’imaginer un effondreme­nt du régime de Pyongyang, entraînant une réunificat­ion de la péninsule coréenne sous l’égide d’une Corée du Sud alliée militaire des Etats-unis, encore moins. La Chine accepte trop facilement le risque Kim. Seul un front uni sino-américain semble capable, sinon d’empêcher que Pyongyang se dote de l’arme nucléaire, du moins d’en contenir les effets déstabilis­ateurs. Trump et Xi sont comptables de la question coréenne.

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