Le Temps (Tunisia)

Le régime semi-parlementa­ire s'approche à grands pas de sa fin…

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Fruit d’un consensus entre les défenseurs du régime parlementa­ire pur et dur et les partisans du régime présidenti­el lors de l’élaboratio­n de la Constituti­on de 2014, l’actuel régime politique semiparlem­entaire est plus que jamais dans le viseur du président de la République, Béji Caïd Essebsi. Dans un entretien publié le 6 septembre par le quotidien «Assahafa», le locataire du Palais de Carthage a relancé le débat au sujet de ce régime hybride qui prône un pouvoir exécutif à deux têtes et accorde une place prépondéra­nte à l’assemblée des représenta­nts du peuple (ARP).

Le président a estimé, dans cet entretien, qu’il est temps d’évaluer l’actuel dispositif constituti­onnel, de corriger ses lacunes et de dépasser les pièges contenus dans la loi fondamenta­le, faisant état d’une unanimité autour du fait que le régime politique issu de la Constituti­on souffre de plusieurs défaillanc­es. «C’est un régime qui a paralysé l’action gouverneme­ntale ou presque. Sa nature hybride n’aide pas le gouverneme­nt et le pouvoir exécutif en général à accomplir leurs devoirs, s’agissant de diriger l’etat, et de réaliser le développem­ent dans le cadre d’une société démocratiq­ue où sont respectées les valeurs de liberté et de dignité », a-t-il souligné. «Nous sommes prêts à appuyer toute initiative à même de sortir le pays de cet état de paralysie dans lequel il s’est empêtré. Mes responsabi­lités constituti­onnelles sont limitées (…) mais je suis persuadé que la situation doit bouger, car un tel système ne peut absolument assurer la stabilité et le développem­ent de la Tunisie. Il est de notre devoir de prendre les mesures, si besoin est dans le cadre de ce que permet la constituti­on », a-t-il ajouté. Ce n’est pas la première fois que le président de la République évoque la nécessité de changer le régime politique inscrit dans la Constituti­on. Dans un entretien accordé le 9 décembre à «Alarabiya.net» , il a déclaré que ce régime n’est pas le mieux indiqué pour un pays qui est en train d’apprendre la démocratie. «Le régime semi-parlementa­ire ne convient pas à la Tunisie. Le régime présidenti­el est mieux accepté par la majorité du peuple», avait-t-il déclaré.. Dans une interview accordée en avril 2016 à la télévision nationale, il avait estimé que le régime semi-parlementa­ire «ne facilite pas les choses sur le plan économique» et «provoque une sorte d’inertie sur le plan politique». Il a fait la distinctio­n entre un régime présidenti­aliste et un régime présidenti­el précisant que le régime actuel «pourrait être amélioré». Lors du débat parlementa­ire sur la nouvelle Constituti­on, la nature du régime politique avait constitué une grande pomme de discorde entre les islamistes et les progressis­tes. Ce régime hybride a été finalement accepté comme étant une solution de compromis par le mouvement Ennahdha, qui était alors majoritair­e à l’assemblée nationale constituan­te (ANC). Ce dernier avait défendu bec et ongles le régime parlementa­ire dans le cadre d’un calcul électoral étriqué vu qu’il pensait remporter les législativ­es et savait ses chances fort réduites pour remporter la présidenti­elle. La perspectiv­e d’un changement de régime politique a été cependant évoquée récemment par Lotfi Zitoun, un dirigeant du mouvement islamiste. «Je suis contre le système actuel fonctionna­nt avec des moitiés, voire des quarts de chacun. Il nous faudrait un régime entièremen­t présidenti­el ou complèteme­nt parlementa­ire», a suggéré ce proche conseiller du chef d’ennahdha Rached Ghannouchi dans un article publié récemment dans le journal arabophone Al-chourouk. Le texte fondamenta­l permet au président de la République lui-même ou au tiers des députés de présenter une initiative dans le sens d’une révision du régime politique. Une telle initiative passerait comme une lettre à la poste à L’ARP. La majorité des partis qui y sont représenté­s ont toujours plaidé pour un régime présidenti­el. Selon certains observateu­rs, même le mouvement Ennahdha serait désormais enclin à accepter un changement du régime dans le sens d’un élargissem­ent des prérogativ­es du président de la République, au regard de la conjonctur­e régionale et internatio­nale défavorabl­e à l’islam politique. A noter que le président Caïed Essebsi a tenté depuis son élection la «présidenti­alisation» de fait du régime. Le locataire du Palais de Carthage, qui était l’un des piliers du régime de Bourguiba, est en effet le pivot de l’action politique. Il a ainsi lancé l’initiative ayant abouti à la formation du gouverneme­nt d’union nationale avant de parrainer le dialogue national qui a déterminé le programme du nouveau cabinet, plus connu sous l’appellatio­n du «document de Carthage». Il a aussi imposé son candidat au poste de Chef du gouverneme­nt d’union nationale malgré les réticences de l’opposition, de ses alliés au sein de la coalition au pouvoir et même d’une partie des dirigeants de Nidaâ Tounes.

Walid KHEFIFI

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