Le Temps (Tunisia)

Un palmarès sans tonalité

Le festival de cinéma italien a couronné d’un Lion d’or «The Shape of Water», du réalisateu­r mexicain Guillermo del Toro. Fin de partie à la Mostra de Venise, samedi 9 septembre au soir, après une dizaine de jours de films extrêmemen­t inégaux. Dominée pa

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Le festival de cinéma italien a couronné d’un Lion d’or «The Shape of Water», du réalisateu­r mexicain Guillermo del Toro. Fin de partie à la Mostra de Venise, samedi 9 septembre au soir, après une dizaine de jours de films extrêmemen­t inégaux. Dominée par les titres américains, italiens et français, qui représenta­ient à eux seuls plus des trois quarts de la compétitio­n, la 74e édition du festival a donc opéré dans sa section la plus prestigieu­se une inquiétant­e réduction du monde du cinéma.

Encore faut-il préciser que les quatre films de la sélection italienne, particuliè­rement décevants, n’étaient visiblemen­t pas là pour leur vertu artistique mais par une nécessité politique qui oblige le festival. En tout état de cause, et à quelques heures de la remise des prix, les suffrages de la critique italienne et du public se rejoignaie­nt en faveur du film de l’anglais Martin Mcdonagh, Three Billboards Outside Ebbing, Missouri, une comédie noire réussie, bien dans l’esprit des frères Coen.

Les critiques internatio­naux, sans minorer ce dernier titre, penchaient quant à eux davantage du côté de The Shape of Water, beau songe cinéphile et apologie politique des monstres (qui ne sont évidemment jamais ceux qu’on croit) réalisée par le grand Guillermo del Toro.

Encore faut-il préciser que les quatre films de la sélection italienne, particuliè­rement décevants, n’étaient visiblemen­t pas là pour leur vertu artistique mais par une nécessité politique qui oblige le festival.

Lion d’or du meilleur film à «The Shape of Water»

En tout état de cause, et à quelques heures de la remise des prix, les suffrages de la critique italienne et du public se rejoignaie­nt en faveur du film de l’anglais Martin Mcdonagh, Three Billboards Outside Ebbing, Missouri, une comédie noire réussie, bien dans l’esprit des frères Coen.

Les critiques internatio­naux, sans minorer ce dernier titre, penchaient quant à eux davantage du côté de The Shape of Water, beau songe cinéphile et apologie politique des monstres (qui ne sont évidemment jamais ceux qu’on croit) réalisée par le grand Guillermo del Toro. Ce titre aura de fait constitué ce qu’on aura vu de plus fort, de plus touchant et de plus inventif durant ces dix jours, avec La Villa, de Robert Guédiguian, Ex Libris, de Frederick Wiseman et Mektoub, My Love, Canto Uno, d’abdellatif Kechiche.

Le jury présidé par l’actrice Annette Bening n’aura que très partiellem­ent validé ce sentiment, couronnant certes d’un Lion d’or l’incontesta­ble aura de The Shape of Water, mais ignorant trois films magnifique­s, et quelques autres très honnêtes, au profit d’oeuvres plus discutable­s.

Palmarès sans tonalité donc, sans parti pris, récompensa­nt aussi bien la parabole maniériste (Foxtrot, de l’israélien Samuel Maoz) que le dossier naturalist­e (Jusqu’à la garde, premier long-métrage de Xavier Legrand), tant l’abattage du film à thèse (Kamel El Basha dans L’insulte, du Libanais Ziad Douairi) que le mutisme abstrus d’un exercice de style (Charlotte Rampling dans Hannah, de l’italien Andrea Pallaoro).

Des monstres en grand nombre

Peu de choses à glaner côté palmarès, donc, mais peut-être davantage du côté des oeuvres parmi lesquelles planaient quelques thèmes obsédants. Ainsi celui de la maison, de la ville, de l’habitat, autant dire du monde qui est le nôtre et dans lequel nous nous demandons de plus en plus comment continuer à l’habiter. Downsizing, d’alexander Payne, Suburbicon, de George Clooney, Mother !, de Darren Aronofsky, La Villa, de Robert Guédiguian, Angels Wear White, de Vivian Qu (intéressan­t film féministe chinois) ont ainsi pas mal tourné autour, pour en rire(jaune) ou en pleurer des larmes de sang. Les monstres étaient également là en grand nombre, mais pas forcément aussi plaisants que la superbe créature amphibie dont tombe amoureuse l’héroïne de The Shape of Water. Plutôt des gens comme vous et moi : le père de famillepsy­chopathe de Suburbicon (George Clooney), le petit entreprene­ur du trafic d’enfants de Una Famiglia (Sebastiano Riso), le mari violent de Jusqu’à la garde (Xavier Legrand), l’écrivain de Mother ! (Darren Aronofsky). Il se trouvait souvent d’ailleurs que les monstres étaient dans la maison. On en est là.

Mostra de Venise 2017 : Guillermo del Toro remporte le Lion d'or pour The Shape of Water

La 74e Mostra de Venise a attribué ce samedi 9 septembre le Lion d'or du meilleur film à The Shape of Water du réalisateu­r mexicain Guillermo del Toro, poétique conte fantasmago­rique et ode à la différence, le coup de coeur des festivalie­rs. Dès le début de la compétitio­n, le Mexicain Guillermo del Toro avait jeté un sort sur la lagune avec cette fable d'amour entre une femme de ménage muette et rêveuse (l'excellente Sally Hawkins) et une étrange créature amphibienn­e. La créature est perçue comme un grave danger pour l'humanité par un terrifiant militaire qui en a la garde.

Del Toro revisite ici les films de monstres, mais aussi la fable de La Belle et la Bête,plantée dans un fabuleux décor rétro années 60. Le tout dans un sombre contexte historique de sexisme, de racisme et de haine internatio­nale pendant la Guerre froide. «Le conte de fées est l'antidote parfait contre le cynisme, car il touche les émotions», estime cet amoureux des créatures monstrueus­es, concepteur d'univers visuels flamboyant­s.

Un film dédié aux réalisateu­rs mexicains et latino-américains

Le réalisateu­r mexicain de 52 ans, qui vit aux États-unis, a dédié son film à tous les «réalisateu­rs mexicains et latino-américains qui rêvent de faire quelque chose en forme de parabole, mais à qui on dit que ce n'est pas possible. C'est possible», a-t-il martelé en recevant samedi soir son prix des mains de la présidente du jury, l'actrice américaine Annette Bening. Le jury a par ailleurs récompensé du prix du meilleur scénario le dramaturge et cinéaste irlando-britanniqu­e Martin Mcdonagh, l'autre grand favori des cinéphiles. Son film Three Billboards outside Ebbing, Missouri, servi par la talentueus­e Frances Mcdormand en mère endeuillée partie en guerre féroce contre la police locale, a fait rire aux éclats le Lido avec sa veine proche des frères Coen.

Xavier Legrand, la surprise du palmarès

La surprise est venue du jeune réalisateu­r français Xavier Legrand qui a fondu en larmes en engrangean­t deux prix, celui de la meilleure première oeuvre et le Lion d'argent de la meilleure mise en scène pour Jusqu'à la garde. Le film, classique mais efficace, brouillant habilement les pistes, traite des violences faites aux femmes. S'expliquant sur le choix d'un sujet aussi grave, Xavier Legrand a dit qu'il ne pouvait pas attendre face à l'urgence de ces situations. Le scénario sur un couple qui divorce est né d'un courtmétra­ge nommé aux Oscars en 2014. Huit ans après son sacre à Venise avec son film Lebanon, l'israélien Samuel Maoz a pour sa part décroché le Lion d'argent Prix du Jury pour Foxtrot, une histoire de deuil avec pour toile de fond deux génération­s traumatisé­es par le service militaire israélien. A noter aussi le Prix spécial du Jury décerné au western Sweet country de l'australien aborigène Warwick Thornton. Le prix du meilleur acteur est revenu au Palestinie­n Kamel El Basha pour

son rôle dans le film du Libanais Ziad Doueiri, L'insulte, dans laquelle une banale dispute devient une affaire nationale. Le film a notamment été produit par la Française Julie Gayet.

Et le prix de la meilleure actrice a été attribué à la Britanniqu­e Charlotte Ramplingpo­ur son rôle, tout en désespoir intérioris­é, d'une femme dont le mari est emprisonné pour pédophilie. Hannah, réalisé par le jeune réalisateu­r italien Andrea Pallaoro, est un portrait intime, tout en cadrages rapprochés sur Charlotte Rampling, qui explore son effondreme­nt psychologi­que et sa lutte pour se redéfinir comme individu

21 films en compétitio­n

La Mostra de Venise, le plus vieux des festivals de cinéma, avait aligné cette année 21 films en compétitio­n officielle pour le Lion d'or du meilleur film. Parmi les trois films français en lice, le très attendu Mektoub, my love: canto uno du Franco-tunisien Abdellatif Kechiche, filmé à Sète (sud de la France), est reparti bredouille. Il s'est fait encenser par des critiques français, mais aussi étriller par des cinéphiles italiens et américains qui dénonçaien­t son voyeurisme excessif. Deux films hollywoodi­ens léchés n'ont pas été récompensé­s. Downsizing d'alexander Payne, une satire sociale croustilla­nte, en mode science-fiction. Et le film de George Clooney, Suburbicon , polar sombre et rythmé dans la veine des frères Coen, présentant une Amérique raciste des années 50 qui résonne avec les événements de Charlottes­ville.

Pour la première fois de son histoire, la Mostra a également attribué des récompense­s à des films de réalité virtuelle. Elle n'a toutefois rien décerné à l'artiste chinois Ai Weiwei en compétitio­n avec un ambitieux documentai­re sur les migrations humaines.

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