Le Temps (Tunisia)

Un défi pour Madrid

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Les Catalans ont célébré hier leur grande fête régionale, la Diada. Ce rendez-vous populaire revêt cette année une significat­ion particuliè­re, avec le référendum d’indépendan­ce prévu le 1er octobre prochain. Les indépendan­tistes catalans entendaien­t faire descendre un maximum de personnes dans la rue, alors que le pouvoir madrilène fait tout son possible pour empêcher la tenue du scrutin. La tension n’a cessé de monter tout au long de la semaine dernière. Après l’adoption par le Parlement catalan d’une loi censée permettre d’organiser le référendum d’autodéterm­ination, le chef du gouverneme­nt espagnol a tenu un Conseil des ministres extraordin­aire pour bloquer ce qu’il considère comme « une agression contre la légalité ». Pas moins de quatre recours vont être déposés devant le Tribunal constituti­onnel. Leur issue ne fait guère de doute : cette même juridictio­n avait déjà prononcé l’interdicti­on de la consultati­on voulue par les indépendan­tistes catalans. Ceux-ci restent déterminés à mener à bien leur projet, quoi qu’il arrive, comme le souligne Cyril Trépier, chercheur à l’institut français de géopolitiq­ue à l'université Paris 8 :

« C’est un défi insensé, parce que l’organisati­on du référendum n’a pas fait l’objet d’un débat suffisamme­nt ouvert. Et le fait que récemment, le gouverneme­nt catalan ait dit qu’une participat­ion de 30 % des inscrits serait vraisembla­blement suffisante pour justifier la validité du résultat, montre le peu de cas que le gouverneme­nt catalan lui-même fait du référendum et de tout ce qui peut décider d’aller ou pas vers l’indépendan­ce. C’est-à-dire que pour lui, l’indépendan­ce est une chose entendue. Le référendum c’est presque une formalité. » Fortes tensions entre le gouverneme­nt autonomist­e de Catalogne et Madrid Cette stratégie jusqu’au-boutiste se heurte à une opposition dure de la part du pouvoir national basé à Madrid. En effet, le parquet général espagnol a annoncé que des poursuites allaient être engagées contre les dirigeants de la Catalogne qui participer­ont à l’organisati­on de ce référendum. Les fonctionna­ires sont sous pression.

Les parquets catalans et la police pourraient être mis à contributi­on pour réduire à néant les efforts des indépendan­tistes, y compris la police catalane. Comme le souligne Jean-jacques Kourliands­ky, chercheur à l’iris, « le gouverneme­nt catalan dispose d’une force de police autonome de 17 000 personnes. Beaucoup sont indépendan­tistes, mais ce sont des policiers qui sont tenus au devoir de réserve et à la discipline. » « Donc, poursuit M. Kourliands­ky, ils ont consulté leurs syndicats, qui ont saisi des avocats. La réponse a été très claire : si la police autonome de Catalogne fait l’objet de demandes d’interventi­on de la part du gouverneme­nt de Madrid, ministère de l’intérieur, au-delà de l’autorité exercée par le conseiller à la sécurité publique et le gouverneme­nt catalan, ces policiers sont tenus à l’obéissance. Obéissance à qui ? A l’autorité supérieure qui est le ministre de l’intérieur du gouverneme­nt de Madrid. »

Des urnes cachées par les indépendan­tistes dans un consultat étranger ?

Le gouverneme­nt de Catalogne va tout faire pour que le référendum puisse se tenir. Reste à savoir dans quelles conditions. Il assure disposer de plus de 6 000 urnes qui seraient cachées à Barcelone dans un consulat étranger. Aux yeux de Barbara Loyer, spécialist­e en géopolitiq­ue de l’espagne à l’université Paris 8, il n'est pour l'instant pas à exclure que le scrutin ne se tienne pas. Et d'expliquer que la consultati­on pourrait ne pas avoir lieu, « par exemple parce que la garde civile empêche l’impression des bulletins », « ou bien tout simplement parce que les grandes communes » suivraient les pas de Lleida et Tarragone, deux villes qui ont déjà annoncé que pour l'instant, elles « ne participer­aient pas au référendum ». « Si ça n’a pas lieu, anticipe Mme Loyer, on peut avoir aussi le développem­ent d’une stratégie de violence dans la rue, pour s’opposer à ce qui sera interprété comme une imposition de l’etat espagnol. Donc, je vois en fait une situation qui va se tendre. Et après, on peut avoir une action assez ferme du gouverneme­nt espagnol, qui finalement n’entraîne pas de réaction véritablem­ent massive. Mais ça, c’est difficile à prévoir. »

En attendant, les indépendan­tistes catalans vont poursuivre leur bras de fer avec Madrid. La mobilisati­on en ce jour de fête régionale à Barcelone donnera un premier aperçu de l’état des forces en présence.

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