Catalogne Madrid use et abuse
Collision frontale entre Madrid et la Catalogne, où le gouvernement indépendantiste est passé aux actes mercredi dernier en utilisant sa petite majorité parlementaire pour voter sa loi d’organisation du référendum d’autodétermination prévu pour le 1er octobre prochain. Une collision qui pourrait pourtant être évitée si Madrid mettait un peu d’eau dans son vin. Il ne suffira pas au chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, de se draper dans la « légalité constitutionnelle » et de marteler qu’« il n’y aura pas de référendum sur l’autodétermination » pour enterrer le sentiment nationaliste catalan. Certes, l’organisation du référendum et la promesse de déclarer dans les 48 heures l’indépendance suivant un « oui » enfreignent la lettre de la Constitution espagnole. Madrid dispose ensuite de tout un arsenal juridique et administratif pour empêcher la tenue de la consultation, ou du moins pour nuire à son déroulement, de manière à miner sa légitimité.il est entendu toutefois qu’à adopter une posture intransigeante et à faire l’impasse sur le droit fondamental des peuples à disposer d’eux-mêmes, M. Rajoy ne fera que perpétuer le conflit et creuser le ressentiment. Le Québec ne peut pas faire autrement que de se reconnaître dans les yeux de la Catalogne : culturellement, c’est un « pays » bien vivant, comme chacun sait — et dont l’identité est historiquement tiraillée par des tensions avec le « reste de l’espagne ». Le fossé s’est radicalement creusé au printemps 2010 quand la Cour constitutionnelle a vidé de sa substance le « Statut d’autonomie de 2006 », par lequel la Catalogne était reconnue comme « nation » et se voyait accorder d’amples pouvoirs fiscaux. Ce fut le point de départ de la grande désillusion à l’égard de Madrid où les conservateurs arrivés au pouvoir n’ont rien fait pour rétablir les ponts. D’où la radicalisation du mouvement souverainiste. Les manifestations tenues tous les 11 septembre à l’occasion de la « Diada », la fête nationale catalane, sont devenues chaque année plus massives et plus revendicatrices.
De quoi sera faite, dans les circonstances, la Diada que les Catalans célèbrent aujourd’hui lundi ?
Il est pourtant loin d’être sûr que les indépendantistes ont réuni les « conditions gagnantes » pour remporter le référendum. Fort divisés, les électeurs catalans penchent plutôt pour le « non », selon les sondages. D’aucuns analysent qu’il y a fuite en avant de la part du gouvernement et que, dans la mesure où la sécession unilatérale est impossible, il cherche à forcer la main du gouvernement central. Les sondages disent surtout que la majorité des Catalans veulent un référendum pour crever l’abcès. Il est en effet essentiel qu’ils puissent s’exprimer. À Madrid de les entendre, d’une manière ou d’une autre.