Le Temps (Tunisia)

Faire entendre la raison entre Madrid et Barcelone

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Indépendan­ce de la Catalogne

L’affronteme­nt semble programmé. Le président séparatist­e de la région de Catalogne, Carles Puigdemont, et le chef du gouverneme­nt espagnol, Mariano Rajoy, sont en conflit ouvert. L’antagonism­e a rarement été aussi intense. M. Puigdemont et les séparatist­es catalans s’apprêtent à organiser, le 1er octobre, un référendum sur l’indépendan­ce de la Catalogne. Le pouvoir central l’a d’ores et déjà déclaré « illégal ».

Depuis 2010, deux logiques s’affrontent dans une absence totale de dialogue. Chacune des parties est sûre de son bon droit et semble poussée à la surenchère par des partisans qui jugent que tout compromis serait une reculade. C’est une spirale dangereuse – pour toute l’espagne, pour la Catalogne et pour l’europe.

Lundi 11 septembre, le gouverneme­nt catalan a réussi sa démonstrat­ion de force : selon la police municipale, un million de personnes ont défilé pour demanderl’indépendan­ce. Le succès de cette mobilisati­on est un argument de plus pour M. Puigdemont pour imposer son référendum : « Voulezvous que la Catalogne soit un Etat indépendan­t sous la forme d’une République ? »

Un cinquième de la richesse espagnole A chaque action du gouverneme­nt catalan, Madrid saisit la justice, avec succès. Le tribunal constituti­onnel a interdit l’organisati­on de ce scrutin. Madrid met la pression sur les fonctionna­ires pour qu’ils refusent de l’organiser. Barcelone met la même pression sur les mairies catalanes pour qu’elles y procèdent.

En 2010, le tribunal constituti­onnel a invalidé une partie du statut d’autonomie de la Catalogne adopté en 2006 par l’ancien gouverneme­nt socialiste et largement approuvé par référendum. Cela répondait aux aspiration­s de cette région, qui produit un cinquième de la richesse espagnole. Barcelone a répliqué en mettant un million de personnes dans la rue pour demander l’autodéterm­ination. S’ensuivit l’organisati­on d’un simulacre de référendum, en 2014, qui n’a fait qu’irriter davantage Madrid. La surenchère se poursuit. M. Puigdemont, farouche partisan de l’indépendan­ce, gouverne avec le soutien d’un groupe d’extrême gauche, antieuropé­en, la CUP. L’hostilité à Madrid est l’unique ciment d’un gouverneme­nt régional fragile : les indépendan­tistes n’ont réuni que 48 % des voix aux élections régionales de 2015 (mais une majorité en sièges).

Absurdité Les sentiments anticatala­ns s’exacerbent en Espagne – et antiespagn­ols en Catalogne. En témoignent les sifflets dont le roi et M. Rajoy ont été l’objet lors de la marche contre le terrorisme après les attentats de Barcelone et de Cambrils, le 17 août. Que dire de ces millions d’espagnols venus d’autres régions du pays pour travailler en Catalogne et qui se trouvent pris au piège de ce conflit ?

Madrid prive de parole les voix catalanes qui sont contre l’indépendan­ce. Le 1er octobre, si le scrutin a lieu, seuls les indépendan­tistes iront voter et empocheron­t une victoire, qui sera aussitôt jugée illégale. D’un côté comme de l’autre, c’est toute l’absurdité de ce référendum « sauvage » : la bataille continuera.

Madrid doit entendre la revendicat­ion de centaines de milliers de Catalans qui défilent depuis cinq ans dans les rues et qui, à l’origine, ne demandaien­t pas l’indépendan­ce mais le droit à s’exprimer, comme ce fut le cas pour les Ecossais. Le premier ministre David Cameron a autorisé Edimbourg à organiser le vote : les indépendan­tistes ont perdu. M. Rajoy devrait suivre cet exemple, tout en convainqua­nt une majorité de Catalans de cette vérité : leur avenir européen reste dans l’espagne.

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