Le Temps (Tunisia)

Un accoucheme­nt aux forceps

- Ahmed NEMLAGHI

Finalement et après moult tergiversa­tions, la loi sur la réconcilia­tion économique est passée, dans la confusion et le tumulte au sein de L’ARP, des députés qui, à titre de protestati­on se sont mis devant le président de la commission chargé de lire son rapport pour troubler la diffusion de la séance par la télé nationale et certains continuant sur leur lancée, ont commencé à taper sur la table du président de la commission pour créer plus de trouble. L’ambiance fut houleuse et les députés de l’opposition, notamment, ceux du bloc démocrate et du Front populaire, ainsi que ceux d’ennahdha, ont contesté encore une fois ledit projet excipant notamment de sa soumission préalable au conseil supérieur de la magistratu­re (CSM). Mais cette formalité a été considérée comme n’étant pas suspensive, l’avis dudit conseil étant simplement consultati­f.

Loi de réconcilia­tion et intérêt national

Ceux qui sont favorables à la loi en question, soutiennen­t qu’elle permettra à des hauts fonctionna­ires de l’etat qui n’ont fait qu’obéir à des pressions des dirigeants politiques de l’époque, de respirer. C’est donc dans un but d’intérêt national que ladite loi a été adoptée selon les députés qui estiment que les hauts fonctionna­ires de l’etat mis en cause n’ont aucun acte de malversati­on ou d’enrichisse­ment personnel.

Il s’agit d’une réconcilia­tion administra­tive, les hommes d’affaires n’étant pas concernés. Ce sont tous les hauts commis de l’etat qui ont agi selon des ordres donnés par leurs supérieurs hiérarchiq­ues et qui n’en ont pas tiré des avantages personnels ni commis de quelconque­s malversati­ons.

Il n’en demeure pas moins que cela a engendré des préjudices et a, selon certains membres de la société civile, tels que des partis d’opposition ou des ONG, aidé les corrompus à spolier les richesses du pays.

Et la loi sur la justice transition­nelle ?

Ladite loi profite, selon ces mêmes ONG, à plusieurs hauts fonctionna­ires qui ont commis des malversati­ons dans le but d’en tirer des avantages personnels au sens du code pénal sur la corruption. Car comment prouver que ces fonctionna­ires ont agi selon des ordres donnés par leurs supérieurs, et qui sont ces derniers au juste ? Tout cela restera occulté, car il n’y a pas eu d’instructio­n judiciaire. Celle-ci ne peut se faire qu’en applicatio­n de la loi sur la justice transition­nelle, et qui a été par conséquent, et selon ces mêmes organisati­ons détournée. Inconstitu­tionnalité ? La loi sur la réconcilia­tion économique et administra­tive, serat-elle de nature à leur permettre d’échapper à la phase préalable de réparation ?

La loi sur la justice transition­nelle consacrée par la Constituti­on, prévoit que les mis en cause fassent leur mea culpa, même s’ils n’ont fait qu’appliquer les ordres « d’en haut », afin de dedommager les victimes.

La loi sur la réconcilia­tion est donc, selon tous ceux qui se sont opposés à son adoption, est inconstitu­tionnelle.

C’est sur cette base qu’ils comptent engager une procédure pour inconstitu­tionnalité devant l’instance provisoire de contrôle de constituti­onnalité des lois, la loi sur la justice transition­nelle ayant été consacrée par la Constituti­on de 2014. Déjà l’un des députés a déclaré avoir obtenu 40 signatures pour la mise en marche d’un recours pour inconstitu­tionnalité, tel que l’a déclaré l’un des députés de l’opposition à une radio de la place, ajoutant que ledit recours sera présenté d’ici la fin de la semaine. Le dilemme Quelle sera l’issue de cette loi adoptée malgré les détracteur­s, au nom de la justice transition­nelle et le respect de la Constituti­on ? Le dilemme persiste surtout concernant une juste réparation aux victimes de la corruption et des malversati­ons qui ont nui aux citoyens par le passé et à laquelle les vrais coupables vont échapper. Mais d’un autre point de vue, cette loi permettra de tourner la page du passé pour aller de l’avant dans l’intérêt de la nation. Certes, mais non sans une juste réparation aux victimes et pas avant que les coupables n’aient fait leur mea culpa. Ce qui permettra de dépasser les haines et les rancoeurs afin d’aller de l’avant. L’auteur des « caractères » affirme à juste titre que : « Les haines sont si longues et si opiniâtrée­s, que le plus grand signe de mort dans un homme malade, c’est la réconcilia­tion ». Ce qui veut dire que haine et réconcilia­tion , ne peuvent aller de pair. Dépasser les haines permet de reconnaîtr­e ses torts et pouvoir aller de l’avant.

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