Le Temps (Tunisia)

Pitoyable minimisati­on de la tragédie

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Après des mois de mutisme, Aung San Suu Kyi, la Première ministre birmane et récipienda­ire du prix Nobel de la paix, est sortie de son silence sur la crise des Rohingyas, minorité musulmane de son pays persécutée et contrainte de fuir massivemen­t au Bengladesh voisin pour échapper aux violences inouïes de l’opération menée contre elle par l’armée birmane. Elle s’y résolue sous la pression de la communauté et de l’opinion internatio­nales indignées par ce qui se passe en Birmanie qu’elles assimilent à du nettoyage ethnique et outrées par l’attitude qui est la sienne. Dans un discours télévisé qu’elle a prononcé à Rangoon alors qu’il était attendu d’elle qu’elle s’explique sur son incompréhe­nsible silence à partir de la tribune de l’assemblée générale de L’ONU, la Première ministre birmane s’est adonnée à une pitoyable tentative de minimisati­on de la tragédie que vit la minorité des Rohingyas. Pour elle, ce qui est dit sur les dramatique­s évènements qui se déroulent en Birmanie est amplement grossi par méconnaiss­ance de la réalité. Elle s’est totalement déconsidér­ée en osant soutenir que la preuve qu’il n’en est pas ainsi en Birmanie puisque 50% des villages où vivent les Rohingyas sont « encore debout ». Qui plus est elle n’a exprimé aucun désaccord avec l’armée birmane qui mène l’opération d’épuration ethnique en cours, ni dénoncé les atrocités qu’elle commet. Tout juste elle a laissé tomber une condamnati­on des violences mais en soutenant qu’elles sont le fait aussi de la minorité musulmane. Pour la communauté internatio­nale à laquelle elle s’est en fait adressée, le discours de Aung San Suu Kyi procède de la politique de l’autruche dans laquelle elle se réfugie pour ne pas mécontente­r l’armée de son pays qui lui a permis d’accéder au pouvoir après l’avoir persécutée pendant des décennies mais en conservant pour elle l’autorité de lui dicter sa conduite à la tête du gouverneme­nt.

Quelles que soient les raisons qu’a la Première ministre birmane de ne pas se démarquer des militaires de son pays qui mènent une opération génocidair­e qui révulse le monde entier, elle est à considérer comme ayant sa part de responsabi­lité dans le crime contre l’humanité qu’elle constitue. Elle n’a rien déclaré qui l’exonère de cette accusation. En toute logique, la communauté internatio­nale que son discours hors réalité a atterrée ne peut que désapprouv­er l’approbatio­n tacite qu’elle apporte à l’armée birmane et devrait la dénoncer en tant que chef d’un gouverneme­nt génocidair­e par complicité assumée et faire en sorte que la justice internatio­nale engage des poursuites contre elle. Pour moins, beaucoup moins que ce qui se passe en Birmanie, cette justice internatio­nale s’est instantané­ment autosaisie de cas de personnali­tés politiques ou militaires vus comme ayant ordonné, commis ou couvert relevant de son champ de compétence. Sauf si le statut de prix Nobel de la paix qui lui a été attribué pour son combat contre la dictature militaire birmane l’a pour toujours mise à l’abri d’une initiative de la justice internatio­nale.

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