Le Temps (Tunisia)

Justice et équité

- Ahmed NEMLAGHI

Entre la justice et l’équité, il n’y a qu’un fil, difficile pourtant à distinguer tellement il est fin et parfois invisible. En effet, la justice est censée représente­r la vérité. D’ailleurs le terme désignant en arabe la justice rend mieux cette idée, car Al Hak, qui signifie aussi bien le droit que la vérité. Cela dit et dans son sens concret, la justice n’est pas synonyme de vérité, celle-ci étant difficile à établir, alors que celle-là est tributaire d’éléments définis par la loi que le juge est tenu d’appliquer. Ce dernier ne doit pas extrapoler ou procéder à des interpréta­tions, ou des suppositio­ns notamment en droit pénal.

C’est la raison pour laquelle il peut se trouver dans un cas où tous les éléments du dossier dans l’affaire qu’il a à juger, ne militent pas à la faveur de l’accusé.

Il n’y a pas pire que les cas où on est en présence de présomptio­ns à la charge d’un accusé qui pourtant ne fait que clamer son innocence du début jusqu’à la fin du procès. On peut se trouver également devant des cas où les aveux d’un accusé ont été extirpés sous la violence. La torture est parmi moyens qui ont été pratiqués durant l’ancien régime surtout dans des procès à caractère politique. Si bien que le juge n’est pas tenu en principe de se fonder sur le procès verbal de l’enquête préliminai­re et l’accusé a toute la latitude de revenir sur ses aveux, une fois qu’il est présenté devant lui.

Hélas, sous l’ancien régime, la plupart des jugements en matière pénale , sont fondés sur les aveux de l’accusé au cours de l’enquête de police. D’où le risque d’erreur judiciaire. C’est pour cette raison que dans certains cas la révision du procès a été prévue par souci d’une meilleure équité.

Certes la révision d’un procès est possible selon la loi, mais la procédure est aussi longue que difficile. Entre-temps l’accusé risque de moisir en prison s’il est condamné à une peine privative de liberté, ou court un risque plus grave, dans le cas d’une condamnati­on à la peine capitale, qui est évidemment irréversib­le une fois le jugement exécuté. La révision du procès nécessite, en effet, qu’il y ait des éléments nouveau, qui n’ont pas été présentés durant le procès et dont on eu connaissan­ce, une fois que le verdict a été prononcé. C’est le cas d’un accusé qui s’avère avoir avoué de son plein gré pour protéger un proche parent ou un ami intime. Là aussi il faut distinguer entre celui qui a avoué un crime pour protéger le vrai, et celui qui s’implique pleinement pour couvrir des complices, dans une affaire où il y a une bande de malfaiteur­s, et pour minimiser l’infraction en quelque sorte. Le premier n’est pas du tout impliqué et il est totalement innocent, alors que le deuxième est complice, et dans ce cas c’est plutôt le ministère public qui engage la procédure de révision.

Réforme de la procédure

C’est la raison pour laquelle la procédure de révision d’une affaire où l’accusé s’avère totalement innocent avec des preuves tangibles et indubitabl­es, doit être allégée, afin qu’elle puisse être engagée d’une manière plus rapide surtout dans les cas présentant une extrême urgence tels que le cas d’un accusé condamné à mort alors que son innocence a été établie. C’est le cas de Maher Manaï , qui, accusé de vol suivi d’un meurtre avec a été condamné à mort sur la base de l’article 204 du code pénal. Resté en isolement dans le couloir de la mort pendant 9 ans, il a pu bénéficier d’une grâce présidenti­elle en 2012, commuant sa peine à la prison à perpétuité.

C’est là qu’il a pu trouver par coïncidenc­e la preuve de son innocence, à travers le témoignage d’un codétenu qui était présent au moment du meurtre qui a eu lieu en 2003.

On peut dire que l’accusé en question a eu beaucoup de chance, dès que la peine fut commuée à la prison à perpétuité, et c’est un coup de hasard qu’il a pu connaître la vérité sur le meurtrier, selon le témoignage d’un détenu.

Il est vrai que le chemin de la vérité et long et plein d’embûches, et y parvenir c’est un triomphe inégalable.

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