Le Temps (Tunisia)

Ce pays où tout va de travers

- Salma BOURAOUI

La Haute autorité indépendan­te de la communicat­ion audiovisue­lle (HAICA) vient de perdre son appel contre la radio pirate extrémiste «Al Quran Karim».

La Haute autorité indépendan­te de la communicat­ion audiovisue­lle (HAICA) vient de perdre son appel contre la radio pirate extrémiste "Al Quran Karim". Un appel intenté par l’instance après qu’elle a perdu l’affaire en première instance auprès du Tribunal administra­tif ; la HAICA voulait confisquer le matériel de ladite station qui, à part de diffuser illégaleme­nt son contenu, possède un émetteur et d’autres matériaux ramenés, de l’étranger, d’une manière clandestin­e. Contacté par Le Temps, une source proche de l’instance nous a expliqué que l’appel a été rejeté pour vice de forme, puisque l’avocat de la radio pirate a été changé à deux reprises ainsi que l’adresse de son siège principal. Selon notre interlocut­eur, et en dépit de cet échec, la HAICA compte continuer sa bataille contre la radio pirate en déposant un nouveau recours contre le verdict du Tribunal administra­tif. De notre côté, nous nous sommes branchés sur les fréquences de ‘Al Quran Karim’ pendant plus de quatre heures et ce qui nous y avons découvert était assez surprenant ; au cours d’une émission et pour fêter cette victoire, il a été décidé de dédié l’antenne aux auditeurs. Tout au long des quatre heures d’antenne, les coups de fil ne se sont arrêtés que pendant quelques minutes pendant lesquels l’animateur lisait les commentair­es laissés par le fan club de la radio sur les pages réseaux sociaux de cette dernière, nous avons eu l’amer plaisir de découvrir des interventi­ons fascistes, extrémiste­s et appelant à la haine et à la guerre.

Pendant les quatre ans de supplice, les intervenan­ts ainsi que l’animateur s’en sont pris à coeur joie en traitant la HAICA de diabolique mécréant ayant choisi de combattre dieu, sa religion et ses serviteurs tout en remerciant les honnêtes juges qui, même s’ils s’égarent de la juste voie par moment, finissent toujours par donner raison à la volonté divine et à contrer tous ceux qui veulent du mal à l’islam. L’animateur est même allé jusqu’à faire un exposé sur cette instance diabolique qui, tout en refusant l’existence de cette radio, continue d’accorder des visas aux chaînes de télévision et de radio qui visent à instaurer les mauvaises moeurs venues d’ailleurs auprès d’un peuple pourtant musulman et conservate­ur. Des discours d’une haine et d’un extrémisme sans pareil auprès d’un public déchaîné cherchant à s’approprier une certain sacralité divine pour s’accaparer une légitimité exclusive risquant, ainsi, de cliver encore plus cette société qui peine toujours à avancer et à se défaire de son débat identitair­e stérile et creux. Alors que nous lui parlions de ce qui se passait sur les ondes de la radio pirate, notre source nous a interrompu­s pour nous dévoiler une informatio­n des plus choquantes ; selon elle, l’un des cheikhs/animateurs de cette radio, est prestatair­e de service auprès du ministère chargé des Relations avec les instances constituti­onnelles, la société civile et des droits de l'homme (et donc auprès de la présidence du gouverneme­nt) sur une plateforme de projet visant à … combattre la haine, la division et l’extrémisme !

Toujours selon interlocut­eur, cette radio pirate et son propriétai­re seraient soutenus par des partis politiques qui font tout afin que la station puisse continuer sa diffusion peu importe son statut. Une affaire de plus qui s’ajoute à tous les dépassemen­ts et à tous les dossiers qui risquent, d’un instant à l’autre, d’exploser et d’entraîner des incidents malheureux que personne ne pourra rattraper plus tard.

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