De quoi parlent les Tunisiens dans une salle d’attente ?
Quelle meilleure immersion dans le quotidien des Tunisiens que de les entendre discuter dans une salle d’attente en attendant de rencontrer le médecin ? De quoi et de qui parlent-ils ? Quelles thématiques leur posent problème au quotidien et quelles solutions prônent-ils ?
Quelle meilleure immersion dans le quotidien des Tunisiens que de les entendre discuter dans une salle d’attente en attendant de rencontrer le médecin ? De quoi et de qui parlent-ils ? Quelles thématiques leur posent problème au quotidien et quelles solutions prônent-ils ? Passer plus d’une heure et demie dans la salle d’attente d’un cabinet de radiologie en plein coeur du centre ville est un supplice en soi mais heureusement que cette longue attente et pleine d’enseignements. Malgré son exiguïté, la salle accueille une dizaine de patients, majoritairement des femmes jeunes et moins jeunes. L’attente durera une dizaine de minutes pour certains et plus de deux heures pour d’autres. Les voix se font peu perceptibles au début avant de se faire plus franches petit à petit. Au coeur des premières discussions, la mammographie, examen essentiel pour le dépistage du cancer du sein. Un sujet qui semble mettre à l’aise les deux hommes assis dans la salle d’attente et qui s’éclipsent aussitôt. Les femmes, elles, poursuivent la discussion, parlent de leurs expériences, évoquent des souvenirs et évoquent des remèdes naturels pour prévenir ou guérir le cancer du sein. Puis la discussion bifurque sur le système de santé en Tunisie, les compétences des médecins, la qualité des services hospitaliers, les délais d’attente, les caisses sociales ou encore la violence dans les établissements de santé. Que de doléances à ce sujet et de critiques pour un système qualifié de « fiasco » et ce, malgré la compétence des médecins tunisiens reconnue à l’unanimité par toutes les présentes. « Il faut arrêter de nous sous-estimer. Nous avons de réelles compétences et ce, dans plusieurs domaines scientifiques ou autres. Malheureusement, d’autres pays sont en train de profiter du génie tunisien car la Tunisie n’a rien à offrir à son élite, ni moyens de recherche, ni rétribution financière attrayante et encore moins de la reconnaissance. C’est normal que nos meilleurs étudiants cherchent des opportunités d’études et de travail ailleurs. Il ne faut pas leur en vouloir. Moi qui les côtoie au quotidien, je sens leur détresse, leur lassitude et leur ras-le-bol. C’est une marmite qui bout sur un feu ardent et j’espère qu’elle ne nous explosera pas au visage bientôt.», déclare Emna, professeur universitaire, venue tout droit de Sousse. Un sujet en appelant un autre, la discussion a ensuite pris une tournure politique. « Aucun parti politique n’a priorisé l’intérêt de la Tunisie. Tous ne pensent qu’à se partager le gâteau et à avoir plus de pouvoir. Mais nous, citoyens, qui pense à nous ? Moi je plains mes trois fils et leurs épouses qui travaillent matin et soir et qui peinent à boucler chaque mois. Pourtant, rares sont les extras qu’ils se permettent quant à posséder un logement, c’est un rêve qu’ils ont abandonné depuis belle lurette. », se plaint Arbia qui estime que le coût de la vie est devenu insupportable, ce qui contribue à l’augmentation du taux de banditisme et d’escroquerie. Les prix trop élevés ont ensuite monopolisé la discussion et là encore, les doléances ont fusé de toutes parts, les patientes pointant du doigt encore une fois les responsables qui sont, selon leurs dires, « déconnectés de la réalité ». « Pour voir le vrai visage de la Tunisie et connaître les vraies souffrances du peuple, il faut regarder les émissions de Alaa Chebbi et son frère Abderrazak. Ces programmes sont la voix de ceux qui n’ont pas de voix.», conclura Fethia
Sans surprise, la santé, la politique, l’économie et l’enseignement étaient les principaux sujets évoqués en moins de deux heures par des patientes d’un cabinet de radiologie situé à Tunis. En aurait-il été de même si le cabinet était situé dans une autre ville ou encore si la salle d’attente était celle d’un hôpital ou d’un centre de santé de base situé à la campagne ?