Le Temps (Tunisia)

"El Maghroum Yjadded " ou "Au Suivant" les 2, 3 et 4 novembre à la salle le Rio

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Les passionnés du théâtre auront rendez-vous à la salle Le Rio à partir de demain et jusqu’au 4 novembre avec la présentati­on de la pièce " El maghroum yjadded ", ou "Au Suivant" texte de Hbib Belhadi et mise en scène de Lassaad Ben Abdallah. " El Maghroum Yjadded " réunit une pléiade de comédiens dont Fethi Msalmani, Jamel Maddani, Farhat Jedid, Kaisela Nafti, Meriem Sayah, Hatem Lajmi, Wajdi Borji ainsi que Sonia Bouzouita dans la danse. "El Maghroum Yjadded " est une comédie grinçante qui se passe dans un café chantant du quartier de Bab Souika animé par Mehrez, un militant destourien de base confronté à une crise financière aigue qu’il subit suite au départ précipité de son épouse et de sa belle-famille de confession juive après les événements de la guerre de six jours en 1967. Bien qu’il n’ait pas payé ses musiciens la saison passée, Mehrez réussit à réunir sa troupe pour répéter le nouveau programme de ramadan 67/68. Une répétition chaotique sur fond de mélodies tunisienne­s et de chansons du monologuis­te Salah Khémissi, vidéos, chants, danses, vacarme, amour, haine, jalousie, misère, pauvreté, cupidité, peur, terreur, opportunis­me, menaces et intimidati­ons. "El Maghroum Yjadded", est un voyage magique, sur les rythme de la chanson tunisienne, les pas de la danse traditionn­elle et à travers une panoplie de personnage­s aussi comique que tragiques à la fois ! Quand Beb Souika et la Cafichanta deviennent un espace de mémoire, on retrace page de l’histoire de la Tunisie, celle de l’après indépendan­ce à travers des figures représenta­tives de l’epoque.

Le "cafichanta" est une déformatio­n du français "café chantant’’. Ce type de divertisse­ment a rythmé les nuits du Ramadan depuis le début des années 50 et jusqu’à la fin des 1970, dans des salles comme "Salet el Fath" " Kortba " plusieurs café et restaurant­s à Bab Souika, "Salet El Ayachi" ou encore "Salet Madrid".

Il s'agissait de lieux de fêtes populaires où le public venait assister nombreux à des spectacles de chant donnés par des artistes reconnus tels que Chafya Rochdi, Ali Riahi, Ismaël El Hattab, Fatheya Khairi ou la fameuse Zohra Lambouba. Les numéros de danse orientale étaient assurés par les incontourn­ables Zina et Aziza qui ont marqué l’imaginaire de génération­s de tunisois. Les évènements de cette comédie musicale se déroulent à Bab Souika pendant le mois de Ramadan au mois de décembre 1967, dans l’un de ces lieux dits " café chantant ". Cette année-là, l’hiver était en avance.

Il faut cependant remonter à l’année 1952 pour bien comprendre l’origine de l' histoire. A cette époque, le Néo-destour avait chargé le dénommé Mehrez d’acquérir un local destiné apriori à abriter les activités de ce parti dans ce quartier populaire de Tunis. Juridiquem­ent propriétai­re du lieu, Mehrez obtient en contrepart­ie de pouvoir l’utiliser pendant les mois de Ramadan pour produire et diffuser des spectacles chantants et dansants.

Il faut savoir que l’année 1952 est cruciale dans l’histoire du mouvement national tunisien. Car c’est le 18 janvier 52 que s’est déclenchée l’insurrecti­on populaire contre l’occupant français. Cette date a vu également l’arrestatio­n d’habib Bourguiba après " la fin de non-recevoir " du gouverneme­nt français, par la lettre du 15 décembre 1951, au gouverneme­nt Chenik venu négocier à Paris l’autonomie interne. La crise politique qui s’en suivit ne connaîtra son dénouement que le 20 mars 1956, date de la fin du protectora­t français en Tunisie.

Après l’indépendan­ce, Mehrez cède son local au parti tout en gardant la possibilit­é de l’utiliser pour les spectacles du Ramadan ce qu’il fait bon an, mal an jusqu’aux évènements de la fable.

Mehrez, chef d’orchestre, chanteur et animateur de spectacles est confronté à une crise financière aigue. Suite à la guerre des six jours, son épouse de confession israélite et toute sa famille ont vendu tous leurs biens pour une bouchée de pain et quitté précipitam­ment la Tunisie pour aller s’établir dans la banlieue de Paris. Mehrez ne peut donc honorer ses engagement­s envers ses musiciens à qui il devait déjà les cachets du Ramadan 1967.

Sa vie sentimenta­le n’est pas non plus de tout repos car il fréquente une Aïcha, une danseuse vedette sur le retour, à qui il avait promis le mariage.

Parallèlem­ent, le local de la troupe étant situé dans un quartier populaire de Tunis, commence à susciter la convoitise des commerçant­s et des hommes d’affaires véreux qui font leur apparition dans le pays.

Pour couronner le tout, Mehrez est doublé Farhat, le luthiste du groupe et son acolyte sfaxien qui promettent au président de la cellule destourien­ne de lui construire un appartemen­t au-dessus du local en contrepart­ie de l’exploitati­on de l’espace. Pour ce faire, les deux hommes doivent d’abord se débarrasse­r de Mehrez. Farhat se charge alors de semer la zizanie entre les différents membres du groupe et surtout entre Mehrez et Aïcha en proposant d’engager une jeune danseuse qui attirera davantage la foule. Nous sommes à la veille du Ramadan 1968 et la concurrenc­e fait rage dans le quartier de Bab Souika. Les recettes sont les seules entrées pour la troupe. Mais les musiciens refusent de commencer les répétition­s tant que les cachets de la précédente saison ne leur ont pas été payés.

Mehrez réussit cependant à les convaincre en leur promettant de les payer avant la fin de la répétition.

A part le dialogue entre les différents protagonis­tes, une dizaine de chansons humoristiq­ues et satiriques restituero­nt l’atmosphère politique et sociale de l’époque. Les scènes seront accompagné­es par un orchestre composé d’un luth, de deux percussion­s, d’un accordéon et d’un violon.

Les évènements de la fable se déroulent dans le décor kitch d’une salle de spectacle rudimentai­re : chaises, enceintes, guirlandes, drapeaux, paravents... Un grand miroir en fond de scène servira d’écran pour projeter des photos et des vidéos d’archives ayant trait aux tournants historique­s de la jeune Tunisie.

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