Le Temps (Tunisia)

Problèmes de plomberie

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L’infortune du Liban, c’est qu’il est coincé entre ces deux monstres froids que sont Israël et la Syrie : c’est ce que confiait, au plus fort de la guerre libanaise, l’ambassadeu­r de France de l’époque. Depuis, Israël et la Syrie ne sont jamais revenus, loin de là, à de meilleurs sentiments envers notre pays; mais ce sont surtout deux autres puissances régionales, l’iran et l’arabie saoudite, qui, sans même s’en cacher ou s’en défendre, s’emploient aujourd’hui à l’écarteler, sans aucun égard pour son état de santé. Le plus triste cependant, c’est que nos dirigeants se seront obstinés à se placer eux-mêmes (et avec eux le Liban tout entier) dans une aussi périlleuse situation. C’est un fait que les circonstan­ces humiliante­s qui ont entouré la démission de Saad Hariri ont suscité indignatio­n et inquiétude chez tous les Libanais ; partisans ou adversaire­s du Premier ministre, ils sont unanimes à exiger avec la même insistance qu’il soit en mesure de regagner le bercail. Le fera-t-il de sitôt ? Assez surprenant­s sont les propos tenus hier par le ministre français des Affaires étrangères, qui, tout en estimant que Hariri était libre de ses mouvements, a souligné la nécessité, pour celui-ci, de faire lui-même ses choix. Quoi qu’il en soit, elle sonne passableme­nt faux, notre belle et fort rare démonstrat­ion d’unité nationale. La soudaine et peu glorieuse démission ébranle certes, jusque dans ses assises, le courant du Futur, qui n’en professe pas moins une fidélité absolue à son chef et qui ne craint pas même de contester, bien qu’en termes choisis, l’argumentai­re du royaume dont il est pourtant le protégé. Dans le camp d’en face, en revanche, c’est en réalité l’embarras qui inspire déclaratio­ns et initiative­s officielle­s, plutôt que l’amour-propre national cruellemen­t blessé. Car non seulement le Hezbollah et ses alliés ont tout intérêt à la survie, sous perfusion s’il le faut – c’est-à-dire dans le cadre de l’expédition des affaires courantes – d’un gouverneme­nt décapité certes, mais au sein duquel ils faisaient la pluie et le beau temps, contraigna­nt longtemps l’infortuné Saad Hariri à accepter l’inacceptab­le. Mais c’est au régime qu’il incombe maintenant de jouer à la hâte au pompier ou, si l’on préfère, au plombier s’affairant sur une tuyauterie qui fuit de partout : avaries qui entraînent des risques sécuritair­es, politiques et économique­s énormes pour le pays et dont lui-même est, en grande partie, responsabl­e.

Le président, qui s’apprête à s’adresser en direct aux citoyens, a fait de l’affront infligé au Liban un des thèmes centraux de la campagne actuelleme­nt menée auprès des puissances étrangères, afin qu’elles oeuvrent au retour de l’enfant prodigue. Mais où était-elle, cette chatouille­use dignité nationale, quand le président iranien Rohani se gargarisai­t récemment de l’emprise de son pays sur le nôtre sans s’attirer la moindre réplique, même mesurée, de son homologue libanais qui a paru, au contraire, acquiescer ? Mieux encore, qui donc les Saoudiens offrent-ils d’accueillir pour s’assurer de la bonne santé de Saad Hariri et tenter éventuelle­ment de plaider pour l’apaisement ? Nul autre que l’inamovible ministre des AE : celui-là même qui, en plus d’une occasion, a plombé – au bénéfice de Téhéran et à la grande fureur de Riyad – une diplomatie libanaise traditionn­ellement soucieuse d’équilibre entre les axes régionaux : cela dans le même temps que la milice foulait aux pieds la règle de distanciat­ion du conflit syrien en s’en allant guerroyer aux côtés du régime Assad. Et maintenant, vite au cambouis, les services de réparation !

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