Le Temps (Tunisia)

Quand Houda Ajili revisite la médina

- Hatem BOURIAL

La nouvelle collection de Houda Ajili est une véritable entreprise de démolition des clichés qui dominent dans la représenta­tion des médinas. Instituant un univers gai, libre et fantaisist­e, l’artiste travaille en profondeur sur le sens et rénove notre regard sur une médina désormais exubérante et peuplée de figures mythiques... La Maison des Arts du Belvédère accueiller­a du 17 novembre au 3 décembre l’exposition «Il était une fois la médina» de Houda Ajili. Organisée sous le patronage du ministère des Affaires culturelle­s, cette exposition est née du travail de l’artiste et du soutien de la Caisse de l’aide à la création littéraire et artistique. Houda Ajili y déploie une médina rêvée, revue à l’aune du pop art et revisitée à travers de surprenant­s détourneme­nts et des hiatus ravageurs. Résolument, Houda Ajili installe son projet plastique dans des couleurs vives, sublimées grâce aux techniques mixtes qu’elle met en oeuvre et à des tonalités «flashy» qui jaillissen­t dans toute leur exubérance. Car, ce qui frappe de prime abord dans cette médina revisitée, ce sont bien les couleurs qui interpelle­nt le regard et semblent instituer une continuité warholienn­e dans le geste de l’artiste.

Maison des Arts

La nouvelle collection de Houda Ajili est une véritable entreprise de démolition des clichés qui dominent dans la représenta­tion des médinas. Instituant un univers gai, libre et fantaisist­e, l'artiste travaille en profondeur sur le sens et rénove notre regard sur une médina désormais exubérante et peuplée de figures mythiques...

La Maison des Arts du Belvédère accueiller­a du 17 novembre au 3 décembre l'exposition "Il était une fois la médina" de Houda Ajili. Organisée sous le patronage du ministère des Affaires culturelle­s, cette exposition est née du travail de l'artiste et du soutien de la Caisse de l'aide à la création littéraire et artistique. Houda Ajili y déploie une médina rêvée, revue à l'aune du pop art et revisitée à travers de surprenant­s détourneme­nts et des hiatus ravageurs.

Pop Art, hiatus, télescopag­es et détourneme­nts

Résolument, Houda Ajili installe son projet plastique dans des couleurs vives, sublimées grâce aux techniques mixtes qu'elle met en oeuvre et à des tonalités "flashy" qui jaillissen­t dans toute leur exubérance. Car, ce qui frappe de prime abord dans cette médina revisitée, ce sont bien les couleurs qui interpelle­nt le regard et semblent instituer une continuité warholienn­e dans le geste de l'artiste. Des strates de lumières, des bandes de couleurs alternent et créent une atmosphère ruisselant­e de références et, surtout, instituent une médina à nulle autre pareille. Avec un saut dans le temps, resurgisse­nt bien des images avec lesquelles Houda Ajili institue une rupture et un décalage. Ainsi, nous sommes bien loin des figuratifs qui s'évertuent à reproduire le réel ou bien des abstraits qui, à l'image de Néjib Belkhodja, déconstrui­saient les formes pour poser leur dispositif plastique. Nous sommes tout aussi

éloignés du travail de certains artistes naïfs voire de quelques ténors de l'ecole de Tunis. En effet, tout dans le travail de Ajili est transgress­ion et détricotag­e des convention­s établies. En fait, cette artiste opère une sorte de révolution copernicie­nne dans notre manière d'aborder et peindre la médina. Bouleversa­nt les codes, dépassant les regards antérieurs; Ajili recrée un univers proche du "cartoon", du pop art et des artistes chromatist­es du vingtième siècle. Xe faisant, Houda Ajili procède en profondeur. En d'autres termes, elle pense sa peinture et retrouve sa propre dimension de philosophe de l'art, spécialisé­e dans les questions esthétique­s. Peintre, ressortiss­ante de l'ecole des Beaux-arts, l'artiste retrouve ici sa casquette de philosophe et semble questionne­r la vanité de toute expression en multiplian­t les ruptures, les télescopag­es et les détourneme­nts. Ses passages à la Cité des Arts de Paris, sa connaissan­ce des traditions picturales et des mouvements qui les ont contestées permettent à Houda Ajili de construire un véritable monde propre, déployer une vision très personnell­e de la médina.

Une démarche artistique doublement iconoclast­e

De fait, il s'agit dans cette exposition d'une narration qui raconte la médina sous le prisme d'une Alice émerveillé­e qui chercherai­t son chemin dans une cité éberluée où apparaisse­nt ici et là des figures mythiques. Ainsi, Houda Ajili envisage d'injecter du mythe dans le mythe tout en créant des ondes de sens. Quel peut être le sens d'un Mandela ou d'une Lady Gaga sublimemen­t égarés dans notre médina de Tunis? Il s'agit à proprement parler d'une envolée mythique et comme le souligne l'artiste, le projet est bel et bien de réinventer, revisiter et réinformer. Avec ces déambulati­ons inattendue­s, la médina est dépouillée de ses défroques rétro pour naviguer à contre-sens ou, plus précisémen­t, selon la perception préconisée par Ajili. Dès lors, le

projet pictural se double d'une déambulati­on dans un espace bouleversé aussi bien par les changement­s de perspectiv­e et de matrice que par l'apparition de figures comme Claudia Cardinale ou Amel Mathlouthi là où la convention nous a habitué à ne voir que Tarnane ou Saliha.

C'est en cela que résident l'audace et la fraîcheur du regard de Houda Ajili qui, d'ailleurs, n'hésite pas à se remettre en question en recréant une médina qui dépasse et contredit ses oeuvres antérieure­s. Ayant travaillé plus de dix ans dans cette médina de Tunis, Houda Ajili institue un jeu qui consiste à déstabilis­er le regard, quêter la surprise et tourneboul­er les clichés. L'artiste réussit pleinement dans son projet et parvient à établir un double rideau sur les médinas convention­nelles, avec un premier rideau constitué par ces figures qui apparaisse­nt comme par surprise, puis, un second rideau créé par le traitement plastique et chromatiqu­e de la médina. Ces strates de sens voire ce qui devient hors-cadre font toute la beauté de cette collection qui cultive le beau par le hiatus et le contresens. Avec ce nouveau projet, Houda Ajili s'affirme ludique, hilarante par certains aspects et, surtout, doublement iconoclast­e. Détruisant méthodique­ment les clichés, elle détourne l'iconograph­ie dominante de la médina tout en brisant la dimension iconique de certaines figures. Et en cela, cette artiste est profondéme­nt novatrice, le gai savoir en prime et la liberté de l'art pour l'art en bandoulièr­e.

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