Le Temps (Tunisia)

Le décollage économique de la Tunisie : l’approche de Lionel Zinsu

1ère conférence économique de la BIAT

- Zied DABBAR

Un constat : les analyses autour de la situation économique tunisienne ne manquent pas. Celles de nos économises (ou encore des pseudos experts) évoquent souvent la crise. La démarche des instances financière­s internatio­nales le Fonds monétaire internatio­nal (FMI), la Banque Mondiale (BM) en l’occurrence s’accroche souvent à une logique macro-économique : il faut réduire les déficits jumeaux de la Tunisie. Il faut réduire la masse salariale publique. D’où l’alternativ­e de la privatisat­ion. Les partis politiques, principale­ment au pouvoir, ont également leurs conception­s d’analyser les fondamenta­ux de l’économie nationale. Loin de ses promesses électorale­s souvent non tenues, la coalition au pouvoir critique la situation économique et sociale tendue, mais elle évite à y faire face. L’opposition, quant à elle, n’est pas muette. De vives critiques adressées aux choix socio-économique­s du gouverneme­nt adossé à deux partis majoritair­es au Parlement. La loi des finances 2018 et avec ce qu’elle a engendré comme tension sociale illustre à quel point, la situation économique et sociale devient catastroph­ique, d’après l’opposition. Dans la foulée de ces tractation­s politiques et des analyses économique­s, une autre lecture de la situation économique est apparue. Une lecture établie par un banquier d’affaires à la banque Roshsild et le fond d’investisse­ment européen Partners, un homme de politique et surtout un ancien décideur politique. Il s’agit de Lionel Zinou. Le sexagénair­e Béninois, fut Premier ministre de son pays natal et se trouve en juillet 2017 à la tête du Think Tank « Terra nova ». Rendez-vous donné l’autre jour au siège de la BIAT, situé juste à côté du siège du Théâtre national, où environ 400 personnes ont assisté à la première édition de la conférence économique de la banque, placée sous le thème décollage économique de la Tunisie. Face au beau monde des affaires, de la finance, de la politique ainsi que de l’université, Lionel Zinsu a présenté sa propre lecture de l’économie tunisienne. Une autopsie économique surprenant­e. Décryptage ci-dessous.

La Tunisie est le pays le plus productif en Afrique « Les Tunisiens sont tellement exigeants, qu’ils commencent à être extrêmemen­t pessimiste­s dans leurs analyses de la situation économique », ainsi que Lionel Zinsu prit les devants. Pour lui, la Tunisie est le pays le plus productif en Afrique. Mieux encore, la non productivi­té n’existe pas en Tunisie, en terme relatif. Le revenu par tête d’habitant, exprimé en parité de pouvoir d’achat est de l’ordre de 12000 dollars. L’un des niveaux les plus hauts en Afrique. Le revenu par tête, au Bénin est 900 dollars, celui de la Tunisie est 4000 dollars. « La Tunisie est tellement européenne dans la structure de ses échanges, plus européenne­s que quelques pays européens », explique-t-il. Le déficit budgétaire dans les normes : « le niveau moyen du déficit budgétaire des pays MENA, est 3 fois le niveau du déficit budgétaire tunisien » Sur la question budgétaire, Lionel Zinsu explique que 6,5% de déficit de PIB est un peu supérieur par rapport aux critères « orthodoxes », entre autres ceux appliqués par les Européens. qui ne sont pas en voie de développem­ent. « Je trouve que c’est tout à fait normal que le déficit budgétaire de la Tunisie soit supérieur à celui de la France et l’allemagne. D’ailleurs, le niveau moyen du déficit budgétaire des pays MENA, est 3 fois le niveau du déficit budgétaire tunisien », précise-t-il. Mais, il ajoute, « ce qui me paraît frappant, c’est la compositio­n du déficit budgétaire de la Tunisie. Un déficit dont le quel se sont les frais de fonctionne­ment qui montent et l’investisse­ment public qui baisse, ne doit pas être un ascendant de croissance favorable ». « Le gouverneme­nt s’engage à maintenir ce déficit à 4,9%. Ce sont des promesses envers les institutio­ns financière­s internatio­nales. Je trouve que c’est plus sain de se prononcer côté gouverneme­nt Tunisien, sur un équilibre de ce déficit », précise Lionel Zinsu. Il appelle à réduire les dépenses de fonctionne­ment qui pèsent sur le budget de l’etat. Concernant le déficit de la balance de paiement, Lionel Zinsu explique que la Tunisie est le seul pays Africain qui enregistre un excédent commercial dans ses échanges avec l’union européenne. Pour lui, le déficit commercial enregistré avec la Chine n’est qu’un phénomène mondial, d’autant plus que toutes les économies de L’OCDE sont déficitair­es avec la Chine.

Masse salariale publique : « trop d’administra­tion tue l’administra­tion » La masse salariale tunisienne fait l’objet de beaucoup de polémiques. Pour Zinsu, ces polémiques incombent à des raisons, politiques plutôt que macro-économique­s. « C’est-à-dire qu’en matière de gestion de la fonction publique, la situation est exorbitant­e. Elle n’est pas tout à fait une situation habituelle », précise-t-il. Le risque que l’administra­tion soit de moins en moins efficace existe encore. Pour dire que « la Tunisie et le Maroc, sont dans les normes en terme de masse salariale publique par comparaiso­n avec d’autres pays Africains, l’algérie en l’occurrence. Pour moi, le problème se pose au niveau des process de l’administra­tion : trop d’administra­tion tue l’administra­tion. Il ne faut pas tenter d’optimiser des procédures qu’il faut déjà supprimer. Une simplifica­tion administra­tive s’impose».

Secteur informel : il faut du temps pour se fiscaliser Intégrer l’informel dans l’économie réelle est un casse tête chinois. Du moins pour nos décideurs politiques. Pour Lionel Zinsu, fiscaliser l’économie parallèle est un processus de longue haleine. Alors que les estimation­s sur la taille de l’économie informelle en Tunisie frôlent les 50% du PIB, Zinsou tient à rappeler que l’économie tunisienne se trouve moins affectée par ce fléau que les autres économies africaines. C’est-à-dire, que la taille de l’informel en Tunisie demeure inférieure à celle observée dans les économies africaines. Est-ce vrai ? Lionel Zinsu précise qu’en Afrique de l’ouest, la zone qui fait le plus de croissance en Afrique, 50% du PIB et 80% des emplois créés est défiscalis­ée, entre autres c’est la taille de l’économie parallèle. Ce qui n’est pas le cas pour la Tunisie. Concernant l’intégratio­n, il cite en exemple : Le Rwanda et le Maroc. « Ces deux pays ont montré que l’intégratio­n de l’économie parallèle dans l’économie formelle, nécessite la valorisati­on des atouts du système réel auprès des gens qui travaillen­t au noir», précise-t-il et ce loin du bâton fiscal : Avec des taux d’imposition très élevés et sans aucune contre partie il sera, d’après lui, impossible de les intégrer dans l’économie formelle. Au Rwanda, ils leur ont proposé des avantages tels que la sécurité, l’accès aux crédits et la formation.

Chômage : pas de solutions miracles « C’est aussi difficile d’être un jeune Tunisien, un jeune Grec ou même Espagnol en terme d’accessibil­ité au marché du travail ». Lionel Zinsu, explique que le niveau du chômage en Tunisie est inférieur à celui de la Grèce, l’espagne et il est comparable légèrement au Maroc. « Il n’y a pas de solution miracle », dit-il. Les investisse­ments doivent êtres orientés vers les secteurs secondaire et tertiaire». Il fait une comparaiso­n avec la zone subsaharie­nne qui enregistre des taux de croissance élevés, en moyenne 6%, et pourtant le taux de chômage des jeunes atteint des seuils élevés. Cela dit, les investisse­ments réalisés sont des investisse­ments non productifs qui sont incapables de résorber le taux de chômage notamment pour les diplômés de l’enseigneme­nt supérieur. Pour la Tunisie, Lionel Zinsu trouve que le problème de l’investisse­ment réside principale­ment dans le financemen­t.

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