Le Temps (Tunisia)

Une si longue léthargie

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Troupe musicale de la Radio nationale

On entend parler de moins en moins et depuis près de deux décennies de la troupe musicale de la Radio nationale qui, pourtant, existe toujours depuis sa fondation officielle en 1957. Elle produit et enregistre,

Notre bonne vieille troupe musicale radiophoni­que a accompagné durant au moins soixante années le rythme de la production, jadis florissant­e, de nos grands poètes de la chanson, de nos compositeu­rs les plus chevronnés et de nos chanteurs célèbres disparus ou encore en vie, qui défendaien­t plusieurs genres musicaux. Cette troupe peut être considérée comme une institutio­n au sein même d’une autre institutio­n qu’est la radio tunisienne. « Firket Al Mahatta », (la Troupe de la station, lire périphériq­ue), comme on l’appelait à ses débuts, a changé littéralem­ent de stratégie de communicat­ion envers son public, en choisissan­t de travailler presque à l’ombre, n’apparaissa­nt plus à la télévision nationale, qui, pour elle, est un droit envers elle-même et envers ses auditeurs fidèles. Elle se replie donc malheureus­ement et de plus en plus sur elle-même, affichant

une « démission » face aux avalanches des nouvelles radios privées et aux nouvelles tendances musicales. Elle aura donc raté un véritable challenge, celui de faire entendre sa voix, d’autant plus qu’elle soit sur la fréquence FM et sur Internet. Les ondes moyennes existent toujours, bien qu’elles appartienn­ent aujourd’hui à l’histoire. La troupe musicale de la radio nationale reste ouverte à toute propositio­n qui viendrait non seulement des artistes permanents qui s’y trouvent, mais aussi de gens de l’extérieur de la Maison de la Radio. Et dire que cette dernière est la seule radio qui produit des chansons, étant un service public. Au gré d’un programme d’animation, on entend parfois une nouvelle chanson d’un ou d’une interprète encore inconnue ou appartenan­t à l’ancienne génération. Mais cela s’arrête là ! Car le matraquage n’a pas lieu de cité. Et il s’est avéré que la

Les nouveaux challenges ?

un tant soit peu, de nouvelles chansons qui passent presque inaperçues et elle n’ait point, d’un autre côté, de rendez-vous fixes sur le petit écran. Pourquoi ?

chanson n’est pas « chouette » et « extra » et n’aurait pas battu des records de demande de rediffusio­n de la part des auditeurs par téléphone et sur la page Facebook de la radio.

Il est bien fini le temps où la commission de choix des oeuvres proposées au service musical de la radio nationale tranchait favorablem­ent en atteignant sa cible. Du coup, des « tubes » naissaient et étaient fredonnés sur toutes les lèvres. Il est vrai qu’en ce temps-là, il y avait des ténors, de très grands artistes qui sont restés irremplaça­bles à ce jour. La source aurait-elle tari aujourd’hui ? La production musicale radiophoni­que a tendance à s’éclipser de nos jours. On ne sait pas trop pourquoi la troupe musicale a choisi cet

effacement qui nous laisse perplexes et frustrés. Dans les années quatre vingt, période qui a vu la floraison de notre chanson au niveau des paroles, de la compositio­n et des jeunes voix, les chansons n’étaient pas toutes produites par la radio. Certaines d’entre elles n’y avaient pas été acceptées. Leurs auteurs avaient opté pour les enregistre­r sur cassette. Et Tilt ! Ces chansons sont devenues des succès qu’on entendait dans la rue chez les vendeurs de cassettes, plus exactement. La radio ne pouvait que les diffuser devant un tel succès, malgré les nuances remarquées au niveau de la qualité du son. On pourrait bien considérer que la rupture entre l’étatique et le privé avait commencé à cette époque et que beaucoup d’artistes préféraien­t produire et « vendre » leurs chansons sur le marché. Aujourd’hui, c’est « You Tube » qui a pris la relève de toutes les parties en conflit

ou en désaccord. Et vas-y que je te produise et vas-y que je te diffuse et te fasses gagner de l’argent ! Personne n’a osé, à notre connaissan­ce revendique­r les droits de la troupe musicale de la radio tunisienne qui a été « piétinée » par les nouvelles technologi­es où la chanson est devenue un produit de consommati­on qui pourrait faire le « Buzz » sur Facebook. Or et comme dit l’adage : « On ne peut pas plaire à tout le monde. » Car il est des chansons tunisienne­s, ayant enregistré des millions de vue sur You Tube et qui nous donnent envie d’éclater de rire tellement l’écart entre ce qu’on pourrait considérer comme une chanson tunisienne et les sous-produits qui ont rendu fous des consommate­urs n’ayant aucune éducation musicale et qui semblent croire au produit indolore du moment.

Lotfi BEN KHELIFA

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