Le Temps (Tunisia)

La lutte contre la corruption en priorité

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Sommet de l’union Africaine

Le sommet de l’union africaine s’est ouvert hier à Addis-abeba, la capitale de l’ethiopie. Le thème à l’honneur cette année : la lutte contre la corruption, une pratique qui touche de façon inégale les pays du continent. Les pays d’afrique sont absolument inégaux face à la corruption. Certains s’en sortent extrêmemen­t bien comme le Botswana ou le Rwanda. C’est ce qui ressort du dernier Index sur la perception de la corruption, réalisé chaque année par L’ONG de lutte contre la corruption Transparen­cy Internatio­nal. En bas du classement, on retrouve des pays comme la Somalie, le Tchad, la Centrafriq­ue ou encore la République démocratiq­ue du Congo (RDC).

Répercussi­ons

La corruption se pratique à différents niveaux et se répercute sur l’ensemble de la société. Il y a ce qu’on peut appeler la « petite corruption », celle qui affecte directemen­t le quotidien des citoyens, par exemple lorsqu’un élu local détourne de l’argent destiné à la constructi­on d’un puits ou d’un centre de santé. Il existe aussi une corruption de niveau intermédia­ire, lorsque des fonctionna­ires - comme les enseignant­s de la fonction publique - sont recrutés sans que leurs diplômes ou leurs compétence­s ne soient vérifiés.

« Les enseignant­s qui sont recrutés et qui n’ont pas les qualités requises ne peuvent pas assurer un bon encadremen­t de ces enfants qui sont les futurs citoyens de demain, les dirigeants de demain. Si on n’a pas des hommes de qualité, le pays ne peut que faire appel à d’autres personnes, ce qui fera augmenter le taux de chômage à l’intérieur du pays. Donc un enseigneme­nt au rabais réduit de ce point de vue, au niveau intellectu­el, la compétitiv­ité du pays », analyse Cléophas Gbedji Oke, le viceprésid­ent du Front des organisati­ons nationales contre la corruption à Cotonou, au Bénin.

L’inaction de certains et de la justice, dénoncée par les sociétés civiles

Enfin, il y a aussi la « grande corruption », celle qui est orchestrée au sommet de l’etat ou au sein des élites. Cette forme de corruption nuit au bon fonctionne­ment de l’appareil étatique et peut conduire, à long terme, à l’épuisement des ressources financière­s des pays, au détriment de leur développem­ent. Le coordonnat­eur Afrique de Transparen­cy Internatio­nal, Lucas Olo Fernandes, note que les pays les plus corrompus aujourd’hui sont passés par des conflits armés au cours des dernières années. Dans des pays comme le Niger, le Togo ou encore le Bénin qui n’ont pas connu de conflits récents, les acteurs de terrains dénoncent l’inaction des Etats et de la justice en matière de lutte contre la corruption. Lorsque des initiative­s sont lancées pour tenter de mettre un terme à ces pratiques, elles ne sont pas toujours efficaces, souligne l’économiste et analyste politique Gille Yabi, fondateur du think tank ouest-africain Wathi : « Même dans les pays où on a des campagnes anticorrup­tions très médiatisée­s, il y a toujours un fort soupçon de politisati­on de la lutte contre la corruption. C’est-à-dire que finalement on a toujours l’impression qu’un gouverneme­nt se met à lutter contre la corruption et toujours de manière sélective, et que cela est plutôt utilisé pour éliminer des adversaire­s potentiels, des hommes d’affaires qui soutiennen­t les hommes politiques, plutôt que réellement dans une volonté de démanteler le système qui alimente la corruption ».

Pour pallier l’inaction de l’etat et de la justice, Ernest Mpararo, secrétaire exécutif de la Ligue congolaise de lutte contre la corruption à Kinshasa, en République démocratiq­ue du Congo, estime que les citoyens ont le pouvoir d’agir contre la corruption : « Les citoyens peuvent s’attaquer effectivem­ent à ces pratiques de corruption. Par exemple, je vous donne un cas : le gouverneur de la ville de Kinshasa institue une taxe routière que les taximen et tous ceux qui ont profité d’un véhicule doivent payer. Mais les gens résistent à payer étant donné que les routes ne sont pas réhabilité­es. C’est une façon effectivem­ent de lutter contre les pratiques de corruption en disant écoutez, nous allons payer des taxes, mais nous allons voir aussi comment l’argent mobilisé par les taxes sera utilisé. Je pense qu’avec ces actions les choses peuvent changer petit à petit ».

Coût financier, humain et écologique

Le coordinate­ur Afrique de L’ONG Transparen­cy Internatio­nal, Lucas Olo Fernandes pointe également la responsabi­lité de certains pays occidentau­x, en particulie­r dans les pays producteur­s de ressources naturelles. C’est le cas de la République démocratiq­ue du Congo où les convoitise­s extérieure­s alimentent les systèmes de corruption en place. Ces pratiques coûtent 50 milliards de dollars par an aux Etats africains, précise Lucas Olo Fernandes. Le coût de la corruption est également humain - une route mal construite, c’est plus d’accidents mortels - et un coût écologique lorsqu’en échange de pots-de-vin, des terrains miniers ou forestiers sont ravagés sans aucune restrictio­n.

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