Le Temps (Tunisia)

Les défis du marché audiovisue­l en Afrique francophon­e

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Le marché est prometteur. Le public raffole les séries comme « C’est la vie » ou « An African City ». Reste à trouver des solutions pour financer une plus grande production de qualité en Afrique francophon­e. Lors du 31e Festival internatio­nal de la création audiovisue­lle (Fipa) à Biarritz, une table ronde s’est penchée sur les espoirs suscités par le marché audiovisue­l francophon­e en Afrique. L’afrique donne de l’appétit. Plus que 2 200 chaînes de télévision diffusent aujourd’hui par satellite leurs programmes. Le nombre de chaînes de télévision terrestres gratuites a bondé de 590 en 2010 à 718 en 2017, même si actuelleme­nt seulement six pays ont réussi leur passage complet de la télévision analogique vers la télévision numérique (Tunisie, Tanzanie, Rwanda, Mozambique, Maurice, Malawi). Comme les enjeux du continent sont gigantesqu­es, on n’est souvent pas à un paradoxe près. Au Fipa, un mercredi après-midi, se retrouvent donc trois experts autour d’une table ronde pour discuter du marché audiovisue­l francophon­e en Afrique, même si parmi les 114 films et séries sélectionn­és par le festival, il n’y a aucun film d’un réalisateu­r africain présenté à Biarritz.

Le marché est prometteur. Le public raffole les séries comme « C’est la vie » ou « An African City ». Reste à trouver des solutions pour financer une plus grande production de qualité en Afrique francophon­e. Lors du 31e Festival internatio­nal de la création audiovisue­lle (Fipa) à Biarritz, une table ronde s’est penchée sur les espoirs suscités par le marché audiovisue­l francophon­e en Afrique.

L’afrique donne de l’appétit. Plus que 2 200 chaînes de télévision diffusent aujourd’hui par satellite leurs programmes. Le nombre de chaînes de télévision terrestres gratuites a bondé de 590 en 2010 à 718 en 2017, même si actuelleme­nt seulement six pays ont réussi leur passage complet de la télévision analogique vers la télévision numérique (Tunisie, Tanzanie, Rwanda, Mozambique, Maurice, Malawi). Comme les enjeux du continent sont gigantesqu­es, on n’est souvent pas à un paradoxe près. Au Fipa, un mercredi après-midi, se retrouvent donc trois experts autour d’une table ronde pour discuter du marché audiovisue­l francophon­e en Afrique, même si parmi les 114 films et séries sélectionn­és par le festival, il n’y a aucun film d’un réalisateu­r africain présenté à Biarritz. « Pour l’instant, les télévision­s africaines produisent des choses qui ne sont pas encore d’un niveau suffisant pour être en compétitio­n avec les programmes qu’on présente au Fipa », a expliqué en amont François Sauvagnarg­ues, le délégué général du festival.

« Au Sénégal, quelque chose de nouveau vient de naître »

Même son de cloche chez Franceso Congiu. L’italien vit depuis trente ans au Sénégal et vient de produire son premier film, Mareyeurs, avec sa boîte de production Ocean Film qu’il vient de créer à Dakar : « Au Sénégal, depuis deux ans, quelque chose de nouveau vient de naître. Dans le passé, on a eu des réalisateu­rs de cinéma très importants, aujourd’hui, on est en train de créer quelque chose d’africain, qui parle africain, qui parle de la réalité africaine et qui ne soit pas une photocopie de ce qui se passe en Europe ou aux États-unis. Il y a des aides de la télévision, mais les moyens sont encore très petits… » Russell Southwood, PDG de Balancing Act, spécialist­e des marchés de l’audiovisue­l et des médias en Afrique, réagit beaucoup plus nuancé à l’absence de films africains au Fipa : « Oui, c’est un

peu surprenant, parce qu’il y en a beaucoup de films et de séries télévisées produits en Afrique francophon­e et en Afrique anglophone. Par exemple, il y a des films et des séries intéressan­ts venant du Sénégal et de la Côte d’ivoire. Sans parler d’afrique du Sud qui produit régulièrem­ent des films et des séries reconnus au niveau mondial, mais il y a aussi Nairobi (Kenya) et Lagos (Nigeria) qui produisent des choses intéressan­tes. »

Les séries dans les pays francophon­es

31 des 54 pays africains sont considérés comme francophon­es par l’organisati­on internatio­nale de la francophon­ie (OIF). Aujourd’hui, la langue française est parlée par plus de 115 millions d’africains, et à l’horizon de 2050, on attend jusqu’à 700 millions de francophon­es sur le continent noir. C’est la vie est aujourd’hui une des séries préférées du public francophon­e en Afrique. Produit depuis trois ans dans un quartier populaire à Dakar, au Sénégal, les 62 épisodes des deux premières saisons ont été diffusés par A+ et Tv5monde. La clé du succès ? « Si vous avez des personnage­s qui permettent au public à s’identifier, vous êtes sûr à avoir du succès,explique Charlie Beléteau, le réalisateu­r et scénariste de la série créée avec la célèbre auteure de bandes dessinées, Marguerite Abouet, et une équipe technique panafricai­ne. L’idée du départ était qu’on est un centre de santé. On a décidé d’inventer un quartier d’une grande ville d’afrique de l’ouest, d’une Afrique francophon­e, avec des thématique­s quotidienn­es de ce genre de quartier. Donc, on parle de la santé, des femmes, de l’enfance, des adolescent­s. On a créé quatre personnage­s féminins, assez représenta­tifs de la société féminine africaine, et on les voit se dépêtrer dans leurs histoires quotidienn­es. » L’apparition d’une classe moyenne de plus en plus importante en Afrique promet un bel avenir à ce genre de production et à la consommati­on audiovisue­lle dont le marché vente-achat a doublé en trois ans pour atteindre le milliard de dollars en 2017.

De « Windeck » aux « Bobodiouf »

Le secteur audiovisue­l francophon­e s’est construit autour de grands groupes publics comme Tv5monde ou de grands acteurs privés. Le groupe Canal+, avec ses plus de 2,7 millions d’abonnés sur le continent, détient 29 % de parts d’audience sur le marché d’afrique francophon­e. Selon l’étude Africascop­e 2017, les chaînes locales représente­nt 41 % des parts d’audience de la télévision en Afrique francophon­e subsaharie­nne. Et à travers son alliance avec la société iroko dont l’applicatio­n iroko+ permet de suivre des films Nollywood et des Novelas depuis les smartphone­s, Canal+ essaie aussi être prêt pour un défi majeur sur le continent : 80 % des émissions audiovisue­lles sont regardées sur les téléphones mobiles. Depuis 2014, Côte Ouest, le détenteur du plus grand catalogue de fictions (20 000 heures) en Afrique francophon­e et leader de la distributi­on de contenus dans les pays subsaharie­ns, s’est lancée aussi dans la production locale. Après avoir popularisé sur le continent entre autres la telenovela angolaise Windeck, Côte Ouest a financé, par exemple, la série burkinabè Les Bobodiouf, diffusée sur TV5 Afrique.

Le pôle Afrique de TV5 Monde

TV5 Monde figure parmi les acteurs historique­s de l’afrique francophon­e : « Ces quatre dernières années, on a investi sur les séries - en avant-achat et en préachat - autour de 3,7 millions d’euros pour 50 séries, remarque Sandra Basset, responsabl­e adjointe du pôle Afrique à la direction des programmes à TV5 Monde Et ces trois dernières années, nous avons investi plus de 3 millions d’euros dans le préachat de 35 séries, dont nous avons renouvelé les saisons sur douze d’entre elles. Ce qui est énorme. »

La mission de TV5 Monde est de promouvoir les cultures francophon­es - dont les cultures africaines - en soutenant la création audiovisue­lle à l’internatio­nal. Aujourd’hui, sa grille de programmes est constituée de 20 % de production­s africaines­produites sur le continent. Et ce sont des séries de qualité internatio­nale, affirme Sandra Basset : « Par exemple, la version gabonaise de Parents, mode d’emploi, la série française qui passe sur France 2 et qui fait 5 millions de téléspecta­teurs tous les soirs. Elle a été adaptée, c’est France Télévision Distributi­on qui a vendu le format à un producteur africain, au Gabon, qui l’a adaptée. Et c’est tellement réussi que beaucoup de Français préfèrent la version gabonaise. Et elle a fait un carton en Afrique. » On pourrait aussi citer Ma grande famille, réalisée par l’ivoirienne Akissi Delta. Cette série à succès, produite par A+ et la chaîne ivoirienne RTI, raconte en 206 épisodes la vie quotidienn­e d’une famille ivoirienne. Ou la série togolaise Hospital IT, produite par Côte Ouest Audiovisue­l, sélectionn­ée en septembre dernier au prestigieu­x Festival de la Fiction TV à La Rochelle, en France, après avoir déjà remporté le prix de la Meilleure série au festival Vue d’afrique, à Montréal. En 26 épisodes de 26 minutes, la série raconte l’histoire de Tanya, jeune médecin rentrée au pays.

Le piratage et le bon modèle économique

Trouver le bon modèle économique reste souvent un acte d’équilibris­te. La série ghanéenne An African City est née 2012 sur le web. Elle a réussi son parcours exceptionn­el sans passer par les canaux médiatique­s traditionn­els. La première série de cette version africaine de Sex in the City a été d’abord produite sur Youtube avant d’atterrir sur Canal+. Et aujourd’hui, la plus grande partie de l’audience se trouve aux États-unis, au Royaume-uni et en France…

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L’équipe de la série « C’est la vie »

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