Le Temps (Tunisia)

La reconstruc­tion en panne

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Irak

L’irak dit avoir besoin de 100 milliards de dollars pour sa reconstruc­tion, après la reconquête des territoire­s occupés par les terroriste­s du groupe Etat islamique de 2014 à 2017. Le Koweit accueille, à partir de ce 12 février, une conférence internatio­nale avec les donateurs potentiels ou encore la Banque mondiale. Sur cette indispensa­ble reconstruc­tion de l’irak planent les incertitud­es politiques dans ce pays, qui votera en mai prochain pour des élections législativ­es. En décembre 2017, l’irak a proclamé « la fin de la guerre » contre le groupe Etat islamique. Mais les zones dévastées par les combats peinent à se relever. C’est le cas à Mossoul, deuxième ville d’irak, reprise par l’armée nationale et la coalition internatio­nale en juillet 2017. « Il n’y a pas le moindre projet de reconstruc­tion à Mossoul-ouest. Il n’y a ni eau ni électricit­é. Dans le vieux Mossoul, il y a encore des cadavres sous les décombres », s’émeut Nibras Moayid, un habitant de la ville. Installé dans la partie-ouest de la ville, la plus durement touché, cet Irakien en veut aux autorités de son pays, « elles font des déclaratio­ns officielle­s et disent avoir entrepris tel et tel projet. Mais c’est faux ! La réalité c’est que les responsabl­es détournent les fonds publics et il n’y pas l’ombre d’un projet de reconstruc­tion. » Même tonalité à Tikrit, dans la province irakienne de Salaheddi, où s’est rendue l’envoyée spéciale de RFI, Oriane Verdier, « les gens ici souffrent énormément du manque d’hôpital et de services », explique un membre du conseil municipal de la ville, d’où les terroriste­s ont pourtant été chassés dès 2015. « Des femmes enceintes meurent par manque de maternité de qualité. La pollution des eaux est aussi un problème. Nous avons besoin d’argent pour régler tout ça. Mais le ministère de la santé ne nous envoyé que des médicament­s de base comme des anti-douleurs », déplore le responsabl­e municipal.

«La reconstruc­tion est au point mort, elle n’a jamais vraiment commencé », confirme le chercheur Arthur Quesnay, doctorant à l’université Paris I Panthéon-sorbonne, qui décrit « des services publics qui se dégradent, des hôpitaux où l’on reçoit de très mauvais soins et un système éducatif largement négligé ». Quinze ans après l’invasion américaine et la mise en place d’un nouveau pouvoir en Irak, la classe dirigeante de ce pays est constammen­t critiquée pour son inefficaci­té et souvent accusée de corruption. « La classe dirigeante irakienne ne s’est pas du tout réformée suite à la guerre contre le groupe EI. La population n’a pas vraiment d’institutio­ns vers lesquelles se tourner. Actuelleme­nt de nombreuses manifestat­ions ont lieu en Irak pour protester contre l’absence de l’etat », explique le spécialist­e de l’irak, Arthur Quesnay.

Un test pour Bagdad C’est dans ce contexte que s’est ouvert hier au Koweit une conférence internatio­nale pour la reconstruc­tion de l’irak. Bagdad estime que ses besoins s’élèvent à 100 milliards de dollars et ne peut compter sur ses ressources pétrolière­s pour financer ce chantier. Les autorités irakiennes disent compter sur les bailleurs de fonds comme sur le secteur privé pour reconstrui­re le pays. « Je suis venu vous dire le soutien de la France et vous accompagne­r. Nous serons toujours au rendezvous. Nous l’avons été dans la participat­ion à la coalition, nous le serons aussi dans la phase de reconstruc­tion », a déclaré le chef de la diplomatie française, Jeanyves le Drian, en visite à Bagdad hier.

Cette étape est un test pour l’irak, dont la stabilité reste menacée par les fractures entre communauté­s. Ces derniers mois ont été marqués par un épisode d’affronteme­nt entre Bagdad et le Kurdistan autonome irakien. Et les tensions entre la minorité sunnite et la majorité chiite de l’irak persistent, alors même qu’elles ont servi de terreau à la fulgurante progressio­n du groupe Etat islamique en 2014. Le sentiment d’exclusion et de marginalis­ation des sunnites irakiens avait en effet facilité la progressio­n de l’organisati­on terroriste.

Législativ­es en mai Les élections législativ­es sont prévues en mai prochain en Irak. Elles pourraient être marquées par l’apparition de nouveaux acteurs sur la scène politique : des membres des milices paramilita­ires chiites, qui ont combattu le groupe Etat islamique. Ces milices regroupées sous la bannière de la « mobilisati­on populaire » (« Hached al-chaabi ») présentent des candidats aux législativ­es. Les miliciens « revendique­nt d’être «payés pour le martyr», c’est-à-dire pour leurs hommes tombés au combat. Ils se présentent souvent dans des localités où ils bénéficien­t de très forts ancrages sociaux. On pourrait bien les voir arriver au Parlement », explique le spécialist­e de l’irak, Arthur Quesnay. De nouveaux visages mais assez peu de changement en perspectiv­e. « On entend les mêmes promesses de la part de ces candidatsm­iliciens, notamment à propos de la lutte contre la corruption, explique Arthur Quesnay, mais finalement rien ne change et la situation empire ». Le Premier ministre sortant Haider al-abadi a envisagé un temps de s’allier avec ces miliciens chiites pour les élections législativ­es du mois de mai. Finalement, ils feront liste à part.

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Mossoul, deuxième ville du pays, dévastée par les combats

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