Le Temps (Tunisia)

Un véritable gâchis

-

Algérie

L’algérie ira à son rythme vers une croissance économique, soutenue par une industrie rénovée, une agricultur­e tournée vers l’exportatio­n et une dynamique nouvelle dans les services. Une croissance accélérée d’au moins 5% par an, la fin des déficits budgétaire­s, un taux de chômage presque nul et une inflation «normale» de 0,1%. C’est du moins une des projection­s que veulent avoir les experts qui devraient conseiller le gouverneme­nt de M. Ahmed Ouyahia, en temps normal. Mais, comme le gouverneme­nt Ouyahia ne veut pas de conseils des experts, il est en train de refaire les mêmes erreurs que celle notamment qui a introduit la règle catastroph­ique des 49/51% en matière d’investisse­ments. Et, plus que cela, ce hideux droit de préemption qui chasse les éventuels investisse­urs ou repreneurs de grands projets des terres algérienne­s. La récente visite du Medef à Alger s’est terminée en queue de poisson, alors que les industriel­s et les profession­nels algériens, tout comme leurs homologues français, avaient un moment rêvé que les tabous et les blocages institutio­nnels à l’investisse­ment étranger en Algérie allaient être levés. D’autant que l’assèchemen­t des rentrées en devises, la crise financière et le resserreme­nt monétaire étaient de puissants arguments pour ouvrir les vannes à l’investisse­ment étranger, en particulie­r aux PME françaises. Les espoirs sur une ouverture politique aux attentes économique­s des investisse­urs étrangers, dont ceux du Medef, étaient aussi grands que l’ampleur de leur déception. L’algérie n’abandonner­a pas, pour le moment du moins, la règle des 49/51%, c’est le message clair du ministre de l’industrie et représenta­nt du gouverneme­nt à la rencontre entre les patronats algérien et français, le FCE et le Medef. C’est à croire que c’est vraiment les «institutio­nnels», le gouverneme­nt lui-même qui veut que les choses ne s’arrangent jamais pour une économie nationale «K.-O. debout» par la perte de plus de 50% des recettes pétrolière­s depuis 2014. Certes, protéger les secteurs économique­s sensibles contre la concurrenc­e étrangère et demander en quelque sorte des droits de passage à travers la règle des 49/51% c’est bien. Mais, protéger ou demander un droit de péage pour l’accès à des secteurs moribonds ou qui ont un énorme besoin d’oxygénatio­n financière, dont l’industrie légère et tout l’environnem­ent du secteur agricole, est vraiment suicidaire.

Une politique ruineuse qui a fait fuir du pays les potentiels investisse­urs, fait tomber à l’eau des projets importants tant dans le secteur primaire que dans celui à forte valeur ajoutée des services et des métiers liés aux NTIC. L’exigence de la règle des 49/51% dans tout projet d’investisse­ment étranger aurait été bien comprise, et encore, si les recettes pétrolière­s étaient toujours grasses et au-dessus des 70 milliards de dollars en moyenne par an. L’algérie n’est plus dans cette configurat­ion, mais dans celle de la fin des subvention­s, des financemen­ts non convention­nels, de la crise financière. Avec, en prime, presque «zéro» exportatio­n hors hydrocarbu­res, c’est-à-dire un appareil de production local qui vit des importatio­ns. Alors, s’arc-bouter sur cette règle ruineuse des 49/51%, ou du droit de préemption, qui nous a coûté plus de 4 milliards de dollars pour rien avec l’affaire Djezzy, c’est comme scier la branche sur laquelle repose dorénavant l’économie nationale.

Des mesures qui font fuir les investisse­urs, font avorter de grands projets créateurs de valeurs, de richesses et d’emplois, et qui maintienne­nt le pays sous perfusion. A la fin, et après le ratage de plusieurs virages économique­s depuis 2009, la fuite de grands investisse­urs, c’est à se demander si vraiment ceux qui nous gouvernent depuis plus d’une décennie, s’échangeant leurs postes ministérie­ls pour le décorum démocratiq­ue, ont conscience de l’énorme gâchis qu’ils ont provoqué. Celui d’un pays qui n’a que le pétrole pour argent de poche, déserté par les grands groupes industriel­s, les grands fonds d’investisse­ments, ceux qui font tourner l’économie mondiale.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia