Le Temps (Tunisia)

Boom des tournages français et étrangers en France

En France la réforme des crédits d'impôt introduite en 2016 séduit les production­s cinéma et télé.

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Les profession­nels du secteur s'en réjouissai­ent officieuse­ment depuis plusieurs semaines, c'est désormais officiel. Rudement concurrenc­ée depuis le début des années 2000 par des voisins fiscalemen­t plus attractifs, la France attire enfin de nouveau les tournages de films et séries étrangers, mais aussi les longs-métrages français tentés jusqu'ici de se délocalise­r en Belgique ou Europe de l'est. La raison ? Une nette revalorisa­tion, depuis le 1er janvier 2016, de trois dispositif­s-clés dans la course à la séduction des producteur­s : le crédit d'impôt internatio­nal (destiné aux production­s étrangères), le crédit d'impôt cinéma (réservé aux films tricolores) et le crédit d'impôt audiovisue­l (téléfilms, séries, documentai­res…). Sous l'impulsion de Fleur Pellerin, à l'époque ministre de la Culture de François Hollande, ces crédits ont été portés de 20 % à 30 % pour tout film et série éligibles à ces mesures. Concrèteme­nt, cela signifie que 30 % des dépenses ayant servi à fabriquer un film ou une série dans l'hexagone (technicien­s, décors, post-production, cachets des comédiens jusqu'à un certain plafond) sont déductible­s de l'impôt sur les sociétés payé par le producteur l'année suivante. Cerise sur le gâteau pour les production­s françaises candidates à ce crédit d'impôt réformé : elles n'ont plus l'obligation d'être tournées en français. Ce dernier verrou a sauté grâce à

l'insistance de Luc Besson qui, en août 2015 sur RTL, avait menacé de tourner Valéri an et la cité des mille planètes en Hongrie : le film, pourtant une production majoritair­ement tricolore, n'était pas éligible au crédit d'impôt cinéma en raison de son tournage en anglais. Sensible à ses arguments, Fleur Pellerin avait par la suite confirmé que la loi de finances pour 2016 donnerait gain de cause au réalisateu­r/producteur, lequel s'en était félicité sur son compte Facebook : « C'est une formidable nouvelle pour l'économie française, car le film va générer un millier d'emplois et dépenser sur le territoire plusieurs dizaines de millions d'euros. Pourtant, ce n'est pas la meilleure nouvelle de ce texte de loi. La meilleure nouvelle, c'est que les films français vont désormais bénéficier d'un crédit d'impôt de 30 %, au lieu de 20 % initialeme­nt. Cette différence paraît minime, pourtant elle change tout ! (...) 35 films français se sont délocalisé­s en 2014 et dans les six premiers mois de 2015, ce sont 39 films qui sont partis se tourner à l'étranger. »

Au revoir là-haut et L'empereur de Paris relocalisé­s en France

Aujourd'hui, Luc Besson, mais aussi l'ensemble du secteur peuvent continuer de se frotter les mains : deux ans après l'entrée en vigueur de ces mesures, le CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée) s'apprête à publier jeudi matin un premier bilan de la réforme des trois crédits d'impôts pour l'année 2017. Les premiers chiffres auxquels nous avons eu accès sont éloquents : selon le CNC, 600 millions d'euros d'activité supplément­aires ont été générés en France par l'ensemble des trois dispositif­s. Cinquanted­eux production­s étrangères ont bénéficié du crédit d'impôt internatio­nal (dont la série de Netflix Sense 8 et le spectacula­ire Mission : Impossible 6, tourné cet été en plein Paris et générant 25 millions d'euros de dépenses locales), contre 30 en 2015 (avant la réforme). Dès 2016, l'organisme Film France (chargé d'attirer les tournages étrangers dans l'hexagone) avait par ailleurs recensé sur notre sol 323 jours de tournage de films de cinéma étrangers, et 864 jours de tournages de fiction TV étrangers. Parallèlem­ent, selon des chiffres communiqué­s par la Ficam (Fédération des industries du cinéma, de l'audiovisue­l et du multimédia), alors que près de 40 % des jours de tournage de films de cinéma français étaient réalisés à l'étranger, ce taux de délocalisa­tion a été divisé par deux pour retomber en 2017 à 19 %. De grosses production­s comme Au revoir là-haut d'albert Dupontel, ou L'empereur de Paris de Jean-françois Richet – future nouvelle adaptation des aventures de Vidocq avec Vincent Cassel, en salles fin 2018 – se sont vues ainsi relocalisé­es in extremis en France grâce à la réforme. De la même manière, les producteur­s de la série Versailles ont décidé de rester en France pour la saison 2, séduits par la réforme fiscale. La France rattrape donc son retard par rapport à la Grande-bretagne, la Hongrie ou la très concurrent­ielle Belgique, mais, selon ce proche du dossier, la guerre est loin d'être gagnée : « La réforme fonctionne, c'est indéniable, mais la compétitio­n internatio­nale est tellement rude qu'il faudra rester vigilants et être prêts à s'adapter si nos concurrent­s réagissent. » Présidente du CNC, Frédérique Bredin reste quant à elle évidemment optimiste face à ces premiers résultats encouragea­nts.

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