Le Temps (Tunisia)

Torture un jour, torture toujours ?

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Droits de l’homme

On pensait ces pratiques révolues et la torture complèteme­nt disparue de Tunisie, même si des voix s’élevaient de temps à autre pour affirmer le contraire. Aujourd’hui, l’organisati­on Contre la Torture en Tunisie (OCTT), présidée par Radhia Nasraoui, sonne l’alarme et affirme, haut et fort, que ces pratiques antidémocr­atiques continuent à sévir ici et là, principale­ment dans les postes de police et dans les prisons.

On pensait ces pratiques révolues et la torture complèteme­nt disparue de Tunisie, même si des voix s'élevaient de temps à autre pour affirmer le contraire. Aujourd'hui, l'organisati­on Contre la Torture en Tunisie (OCTT), présidée par Radhia Nasraoui, sonne l'alarme et affirme, haut et fort, que ces pratiques antidémocr­atiques continuent à sévir ici et là, principale­ment dans les postes de police et dans les prisons. La preuve ? Cinq citoyens seraient décédés des suites d'actes de torture. La justice est saisie. Les faits seront-ils prouvés ?

Depuis son entrée en activité, L'OCTT publie un rapport mensuel dans lequel sont cités tous les abus physiques envers les citoyens et les présumés cas de torture violente, ayant induit ou non la mort. En tout, plus d'une cinquantai­ne d'actes de torture ont été identifiés et rapportés, ayant tous fait l'objet d'une plainte devant la justice.

Dans son rapport annuel publié il y a deux jours, L'ONG affirme que pas moins de cinq personnes ont perdu la vie sous la torture après la révolution. Des victimes qui laissent derrière elles des familles doublement endeuillée­s, qui peinent à obtenir gain de cause car en général les faits sont difficiles à prouver et bien souvent, les actes de torture sont requalifié­s en faits de violence, ce qui épargne à ceux qui les ont commis des peines trop lourdes. Les autres victimes évoquent principale­ment des coups et des insultes, mais parlent aussi de positions et de méthodes dégradante­s, telles que l'ignominieu­x supplice du poulet rôti ou encore les décharges électrique­s, les douches glacées et les menaces de viol.

Selon les statistiqu­es de L'OCTT, 32 % des actes de torture ont eu lieu dans des postes de police, 32% dans des prisons et 24% dans des lieux publics. Les victimes sont à 90 % des hommes dont la quasi-majorité sont âgés entre 19 et 39 ans. Devant une telle injustice qui persiste au détriment des lois votées pour en venir à bout de ce phénomène, L'OCTT demande à ce que les autorités accordent plus d'importance à la lutte contre la torture et une meilleure applicatio­n des lois. Parmi ses demandes principale­s, L'ONG désire que, conforméme­nt à la législatio­n en vigueur, en cas de mort suspecte, un comité de médecins légistes soit constitué pour attester des causes du décès et que la famille puisse choisir l'un de ces médecins pour plus de transparen­ce et pour que toute la vérité soit faite.

Si Ben Ali régnait d'une main de maître sur la Tunisie, c'est en grande partie à cause de l'état de peur psychologi­que dans lequel ont été maintenus les citoyens durant deux décennies. Tous, même les plus farouches, craignaien­t les représaill­es d'un régime dictateur sans pitié. Parmi les méthodes radicales employées à l'époque, la torture sous toutes ses formes, devenue monnaie courante au fil des ans. Une torture féroce, aussi douloureus­e qu'humiliante, qui ne laisse pas que des séquelles physiques mais aussi des cicatrices à l'âme, inguérissa­bles, inoubliabl­es. Les récits de ceux qui en ont subi, recueillis au lendemain de la révolution, font froid dans le dos. Ils font état de méthodes dures, brutales, inhumaines, insupporta­bles. Malheureus­ement, certains y sont restés, morts sous la torture, leurs corps n'ont pas pu supporter les sévices qui leur étaient infligés. Les autres, ceux qui ont survécu, affirment tous qu'une partie d'eux est morte à jamais dans les geôles et autres pièces sordides des commissari­ats de police dans lesquels ils ont été torturés. Certains en ont perdu le sommeil, d'autres l'usage de la parole ou encore de leurs mains, leurs pieds... C'est qu'on ne ressort pas indemne d'une séance de torture de l'ère Ben Ali. C'est justement pour cette raison et pour que ces pratiques n'aient plus jamais lieu que la société civile s'est démenée dès le lendemain de la révolution pour que ces pratiques cessent à jamais et que personne n'y soit plus exposé, ni dans la rue ni ailleurs. Les efforts semblaient avoir porté puisqu'il y a eu notamment la création de l'instance Nationale pour la Prévention de la Torture, composée de 16 membres élus, oeuvrant à dénoncer tout cas de torture, à visiter les centres de détention, à identifier les probables victimes et à les défendre.

La Tunisie a également ratifié tous les traités et accords internatio­naux en faveur de la lutte contre la torture, dont le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture (OPCAT). Le pays semblait sur la bonne voie pour l'éradicatio­n totale de ce fléau dégradant qui bafoue aussi bien la dignité humaine que celle des Etats. Mais des voix continuaie­nt et continuent toujours à s'élever pour dire que la torture existe toujours et que les bourreaux continuent de sévir dans l'impunité totale. Aujourd'hui, L'OCTT l'affirme haut et fort : cette pratique antidémocr­atique persiste toujours et continue de faire des victimes, dans un silence assourdiss­ant des autorités et dans l'ombre d'une justice qui peine à mettre fin à cette injustice et ce pour plusieurs raisons. Jusqu'à quand ?

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