Le Temps (Tunisia)

Al-baghdadi Al-mahmoudi, pièce maitresse pour la justice française

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Plusieurs sources en relation avec l’ancien Premier ministre libyen (2006-2011) Al-baghdadi Al-mahmoudi affirment que ce dernier a cherché à contacter la justice française avant son extraditio­n vers Tripoli en juin 2012. Selon ses avocats, cet homme, un confident de Mouammar Kadhafi, pensait qu’en multiplian­t les déclaratio­ns sur le financemen­t présumé illégal de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, il se protégeait contre son extraditio­n. Mais, toujours selon ses défenseurs, ces déclaratio­ns auraient tout au contraire accéléré son renvoi vers Tripoli. Aujourd’hui encore, il semble que Al-baghdadi Al-mahmoudi ait beaucoup de choses à dire à la justice française et serait en possession des documents...

En 2012, Al-baghdadi Almahmoudi était demandeur du statut de réfugié auprès du Hautcommis­sariat des Nations unies pour les Réfugiés, il ne pouvait donc pas être extradé vers un pays qui ne lui garantit pas les conditions d’un procès équitable.

Pour de multiples raisons, ses avocats considèren­t que « la décision de l’extrader est un crime politique qui n’a rien à voir avec la loi, mais est prise sous influences étrangères ». Ils estiment que cette extraditio­n est une entorse au droit internatio­nal.

Il demande le statut de réfugié politique en France

Le 22 juin 2012, deux jours avant son extraditio­n, Al-baghdadi Al-mahmoudi prend contact avec un juge français pour lui raconter les détails des transferts d’argent libyen vers la France. Selon nos informatio­ns, il a également essayé de formuler une demande auprès de l’ambassade de France à Tunis, pour avoir le statut de réfugié politique. Ce type de demande bloque, en principe, les procédures d’extraditio­ns.

Dans l’affaire de présumé financemen­t libyen, une pièce maitresse, réclamée depuis des années par la justice française à la justice tunisienne et qui concerne l’ancien Premier ministre libyen Al-baghdadi Almahmoudi, serait finalement, selon nos sources, aux mains de la justice française.

Il s’agit d’un procès-verbal remontant à octobre et novembre 2011, lorsqu’al-baghdadi Almahmoudi était entendu devant la chambre d’accusation de la cour d’appel à Tunis, dans l’affaire de son extraditio­n en Libye. Selon nos informatio­ns, il y a eu au moins cinq procès-verbaux, qui mentionnen­t le présumé financemen­t illégal de la campagne présidenti­elle de Nicolas Sarkozy en 2007. La justice tunisienne était très réticente à les transmettr­e et n’a pas voulu communique­r le dossier. Pourquoi cette réticence ?

« La justice tunisienne est dans l’embarras parce qu’il y a eu un passe-droit en 2011, il y a eu, disons, une injustice flagrante vis-à-vis de Baghdadi[l’extraditio­n vers la Libye, Ndlr] et le fait de délivrer toute informatio­n pouvant impliquer des personnali­tés politiques en Tunisie, qui sont encore au pouvoir ou qui le partagent, pourrait avoir des implicatio­ns sur la sécurité nationale et sur l’équilibre politique en Tunisie. D’après les éléments du dossier remis aux autorités tunisienne­s, il y a derrière la demande une volonté de poursuivre quelqu’un pour son poste politique. Voilà le fond même du dossier », explique Ezzeddine al-arfaoui, un des avocats d’al-baghdadi Al-mahmoudi. Interrogé sur l’importance de ce procès verbal de 2011, l’avocat répond : « Il démontre ce qu’a dit exactement Baghdadi à ce moment-là. Que s’il y a extraditio­n, qu’elle ne peut s’expliquer que par le fait que c’est la France qui veut se débarrasse­r définitive­ment de lui parce qu’il est lié à cette affaire de la participat­ion de la Libye dont il était le Premier ministre à la date où les élections françaises [de 2007, ndlr] se passaient. » Mais Al-baghdadi Almahmoudi a aussi parlé à la presse. Autant de facteurs qui, en fait, auraient accéléré son extraditio­n vers la prison d’al-hadaba à Tripoli. Un lieu tenu par les islamistes du Groupe islamique combattant d’abdelhakim Belhaj, qui a pris le pouvoir militaire à Tripoli en 2011, et réservé aux anciens dignitaire­s du régime libyen.

Des enregistre­ments secrets

S’il n’est aujourd’hui plus aux mains de la milice d’abdelkarim Belhaj, Al-baghdadi Almahmoudi, qui a été torturé en prison, craint toujours pour sa vie. Il est actuelleme­nt aux mains d’une autre milice, qui dépend du ministère de la Justice. Mais, selon l’un de ses avocats contacté par RFI, il possède toujours des documents consignés « dans des coffres-forts dans des banques européenne­s ». Des enregistre­ments secrets de toutes les rencontres avec les responsabl­es français existent aussi, révèle également un autre avocat. Un autre conseil d’al-baghdadi accuse le Qatar d’avoir volé une partie de ces documents, mais se dépêche de dire que « tous ces documents finiront par sortir ».

Il compte attaquer la Troika à la CPI

Même si les conditions de sa détention se sont améliorées depuis quelques mois, qu’il n’est plus en prison mais dans un lieu de détention sécurisé à Tripoli, Al-baghdadi Al-mahmoudi craint pour sa vie. Surtout après la série de morts mystérieus­es qui a frappé plusieurs responsabl­es libyens impliqués dans ce dossier franco-libyen depuis 2012.

Il demande à nouveau à être entendu par les juges français, mais à la condition de quitter préalablem­ent la capitale libyenne. Ses avocats eux veulent saisir la Cour pénale internatio­nale contre les autorités tunisienne­s qui l’ont livré à un pays où il a été maltraité...

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L’ancien Premier ministre libyen Al-baghdadi Al-mahmoudi, en novembre 2011 lors de son arrivée au tribunal à Tunis.

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