Le Temps (Tunisia)

Copie en Arabe de "La communicat­ion entre Tunis et Istanbul 1860-1913" oeuvre d'un chercheur suisse

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De la relation entre Tunis et Istanbul sous le règne des Ottomans qui s’est étalé de 1574 à 1881, les chercheurs et écrivains se sont généraleme­nt limités à des périodes bien précises et appuyés sur les correspond­ances officielle­s pour cerner les dessous de cette relation entre l’ancienne province ottomane et le siège lointain de l'empire.

Une copie arabe de l'ouvrage "La communicat­ion entre Tunis et Istanbul 1860-1913" du chercheur Suisse Andreas Tunger-zanetti, présente une autre lecture de cette relation entre la Tunisie et la Turquie sous le règne des Ottomans.

L’auteur s'y est basé sur plusieurs autres archives allant des 20 ans précédant l'installati­on du protectora­t français à Tunis, en 1880, jusqu'en 1913, une date clé dans l'histoire moderne des deux pays qui a constitué le véritable déclin du pouvoir ottoman en une Tunisie colonisée par les français.

Traduite par l'universita­ire tunisien Ibrahim Belgacem pour le compte de l’institut de traduction de Tunis, cette version en Arabe a fait l’objet d'une présentati­on, mercredi, à Tunis au siège de l'institut au Pôle des Lettres et du Livre, à la Cité de la Culture à Tunis.

Istanbul, ses sultans, son harem et les vastes territoire­s de l'empire Ottoman ont, à une certaine époque de l'histoire, été la fascinatio­n d'orient comme d'occident. Un empire qui s'était érigé sous le règne des sultans successifs qui ont cherché à élargir la domination turque sur une large partie de l'europe pour couvrir par la suite le Maghreb actuel. La Tunisie alors sous occupation espagnole s'est transformé­e en une province rattachée à l'empire ottoman qui siégeait à Istanbul.

Sur cette page de l'histoire, peu de chercheurs se sont mis à l'étude surtout que peu d'archives concordant lèvent le voile sur les dessus de cette relation entre Tunis et Istanbul, et leurs similitude­s culturelle­s favorisées par un cadre religieux, à majorité musulmane, ouvert sur l’autre. A ce sujet, l'universita­ire et écrivain a essayé de comprendre et d'analyser la véritable relation entre ces deux villes séparées par l'espace mais jamais par ce lien culturel fort qui au delà du politique s'est manifesté sur différents aspects de la vie sociale et économique.

Dans son ouvrage, qui est à la base le sujet de sa thèse dans les études islamiques, publié deux ans auparavant, sa première publicatio­n en 1996, le chercheur suisse avait eu recours à plusieurs sources d'archives qu'il avait l'occasion de consulter dans des séjours successifs à Tunis pour les besoins de sa thèse. Contrairem­ent aux autres orientalis­tes qui avaient tendance à relever cette absence de communicat­ion et de lien avec l'empire à Istanbul, l'écrivain suisse est arrivé à une conclusion statuant sur ce lien si particulie­r entre les deux Capitales et leurs population­s respective­s, en témoignaie­nt les récits des voyages parmi les commerçant­s, les pèlerins et les archives de presse à l'époque.

Initialeme­nt paru en une version française, l'ouvrage a dernièreme­nt fait l'objet d'une traduction vers l'arabe faite par l'universita­ire Ibrahim Belgacem. La critique faite par l'auteur au contenu des sources traditionn­elles font état d'une nouvelle donne qui présente les arguments de ses prédécesse­urs comme étant infondés. Dans les deux chapitres que forme ce livre, l'auteur suisse a essayé de réfuter les arguments émanant de certains orientalis­tes, guidés par des considérat­ions politiques et coloniales de la France à l’époque, qui adoptent une vision insistant sur l'existence d'une autonomie vis à vis d'istanbul. Un argument avancé par les sympathisa­nts du régime colonial français voulant imposer son pouvoir sur l'etat tunisien qui constituai­t une province lointaine de l'empire mais avec qui le lien n'a jamais été coupé.

Pour le traducteur, les prémices d'une nouvelle tendance à renouer avec la Turquie sont d'ailleurs aujourd'hui visibles dans l’agissement de certaines parties politiques et sociales avec cette nostalgie pour le retour d'une certaine dominance turque en Tunisie. L’universita­ire tunisien fait aussi référence à cette volonté, perceptibl­e dans les intentions, inavouées, de l'actuel président turc, souvent accusé pour sa politique indirecte cherchant à retrouver un pied d’attache sur des territoire­s qui étaient sous contrôle turc.

Selon lui, l'effet turc n'a jamais été absent des aspects de la vie en Tunisie et les moyens de communicat­ion entre officiels et citoyens des deux côtés. Il fait aussi référence à ces nostalgiqu­es d'une époque lointaine, oubliant ou ignorant même, la grande misère accompagné­e alors par la révolte des population­s rurales, pendant le règne ottoman. Mais en parallèle de cette réalité, une véritable dynamique et notamment culturelle existait entre citoyens et états de l'empire ottoman.

En deux chapitres, l'auteur suisse était parvenu à statuer sur les véritables dessous d'une relation qui a souvent été équivoque et autour de laquelle régnait un certain doute allant jusqu'à redouter de l'efficacité du pouvoir des Sultans successifs sur Tunis comme étant l’un des Etats lointains, éparpillés sur plusieurs Continents.

Cette version arabe de l'ouvrage écrit en français par un Suisse présentait à priori certaines incohérenc­es relevées par le journalist­e et critique culturel et littéraire Mohamed El May. Des lacunes, à son avis, qui sur la forme se rapportent à la vérificati­on orthograph­ique et au lexique, parfois proche de l'arabe en usage au Machrek. Côté contenu, El May estime que l'ouvrage en arabe se limite aux constats recueillis par l'auteur suisse dont le choix même de la période étudiée (18601913) reste inexpliqué par le traducteur.

Cette traduction constitue un effort certes qui jette la lumière sur un aspect peu connu du lectorat arabe mais dont le contenu fera probableme­nt l'objet de révision de la part des experts de l’institut de traduction de Tunis. Taoufik Aloui, directeur de l'institut de traduction de Tunis a insisté sur cette volonté de l'institutio­n d'enrichir la scène littéraire par des traduction­s, vers l'arabe ou de l'arabe vers d'autres langues, d'oeuvres littéraire­s et académique­s tunisienne­s et autres. Ce nouvel ouvrage entame une série de présentati­ons de traduction­s d'universita­ires prévues par le programme inaugural de l'institut qui se poursuivra du 4 avril au 16 mai.

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