La dame en noir est passée
Le Théâtre national tunisien a organisé récemment à la salle du 4è Art un hommage posthume à Raja Ben Ammar, une icône du théâtre tunisien qui nous a quittés il y’a juste un an. Et à l’opposé des hommages galvaudés, celui rendu à Raja, était uniquement sonore et visuel. Un choix qui avait permis au nombreux public, où l’on comptait particulièrement la présence d’hommes de théâtre, toutes générations confondues, d’hommes de culture, de journalistes et d’étudiants en théâtre, d’observer le silence en respect à l’âme de la grande comédienne, auteure, metteur en scène, directrice de l’espace Mad’art, à Carthage-dermech et enseignante de théâtre-danse. Il aurait manqué, certes, les témoignages publics des amis, des collègues et des proches de Raja Ben Ammar. Mais c’était cette dernière qui était sur l’écran à travers des extraits télévisés ou d’enregistrements vidéo qui montraient le courage et le punch de cette femme excerptionnelle qui avait défendu son art bec et ongles avant et après la révolution. L’hommage avait démarré avec un extrait, diffusé sur l’écran et lu par Jalila Baccar, du texte écrit en 2015 par Raja Ben Ammar pour la présentation de son cours à l’ecole de l’acteur du Théâtre National Tunisien. Un texte émouvant où Raja Ben Ammar y apparait comme visionnaire de son propre destin. Elle y disait : « Levi Strauss raconte, qu’aux nuits des temps, un marcheur voit sa petite soeur mourir. Sa douleur était si intenable, si insupportable qu’elle le paralysa à côté du cadavre. Il n’arrêtait pas de pleurer si bien qu’au crépuscule, ses yeux embues virent au rayon du soleil couchant, se profiler une magnifique et lumineuse gazelle. « C’est ma soeur » se dit-il « c’est quelque chose d’elle qui s’est transformée et qui continue à vivre. » La gazelle disparut. Elle doit être « ailleurs. » Un autre monde est né. Il se leva et partit partager cette découverte avec ses frères. Mais ils étaient occupés à organiser le clan en chefs et subalternes et à mettre les règles de la chasse pour avoir plus, encore plus de nourriture...nous, travailleurs du spectacle vivant sommes les descendants de ce marcheur qui, pour survivre à l’inexplicable, au douloureux et à l’impossible raconte l’ailleurs, le dépassement du réel... » Il s’agit-là et tout simplement d’un texte fondateur sur la vision de la chose théâtrale, voire du devoir du comédien et de celui qui exerce un métier du spactacle. Le public a pu regarder par la suite un enregistrement télévisé d’une représentation de la pièce : « Saken fi hay Essaida » de Raja Ben Ammar et Moncef Sayem, l’une des pièces du Théâtre Phou qu’elle a co-fondé avec Moncef Sayem en 1980. Nous avons pu revoir la performance de Raja Ben Ammar dans cette pièce de théâtre-danse, un genre théâtral que défendait notre grande artiste et qu’elle vulklgarisait au grand public.