L’accord iranien au menu
Visite de Macron aux USA
Le président français et son épouse sont arrivés hier à Washington pour la première visite d’état organisée par le président Trump depuis son accession à la Maison Blanche. Si les deux hommes peuvent se targuer d’être en bons termes, ils devaient néanmoins aborder une série de dossiers sur lesquels ils sont en profond désaccord, qu’il s’agisse des questions commerciales ou, principalement, de l’accord sur le nucléaire iranien.
La bonne relation entre les présidents français et américain est régulièrement évoquée à Paris comme à Washington, où beaucoup soulignent les points communs entre les deux chefs d’état : tous deux ont travaillé dans le secteur privé, ont bouleversé les pronostics électoraux, et affichent leur désir de changer la manière de faire de la politique.
Mais sur le fonds des désaccords profonds subsistent entre les deux chefs d’état. Notamment sur la lutte contre le changement climatique, avec le retrait de Washington de l’accord de Paris, ou sur le commerce, avec l’entrée en vigueur le 1er mai des nouvelles taxes américaines sur l’acier et l’aluminium européen.
Parmi les sujets épineux que devait aborder Emmanuel Macron, il y aussi et surtout l’accord sur le nucléaire iranien. Le président Trump a donné aux signataires européens jusqu’au 12 mai pour « réparer », ce qu’il appelle « les terribles lacunes » de cet accord, faute de quoi il refusera de prolonger l’assouplissement des sanctions américaines contre la République islamique.
Alignement sur la position américaine ?
Le sujet est d’autant plus sensible que l’escalade rhétorique entre Téhéran et Washington se poursuit, avec cette nouvelle mise en garde de l’iran. La République islamique menace de reprendre son programme nucléaire si les Américains rompent l’accord de 2015. Or, un retrait américain signifierait ni plus ni moins que la mort de l’accord, estime le chercheur Clément Therme. Les Européens seront obligés de s’aligner sur la position de Washington.
« Je pense d'abord que cet accord n'était pas une victoire de la diplomatie européenne, mais une victoire de Barack Obama. Donc, les Européens ont suivi l'impulsion donnée par les États-unis. Et donc, il est très probable que les Européens, à nouveau, suivent l'impulsion donnée par les États-unis », analyse ce spécialiste de l’iran.
« Plutôt que de s'inventer une diplomatie européenne balbutiante - même si c'est vrai que les États-unis ont donné ce rôle d'intermédiaire à l'europe -, il est très peu probable que les Européens - puisqu'ils partagent de nombreuses préoccupations américaines au-delà du nucléaire sur la région, sur le balistique -, puissent, à eux seuls, défendre l'accord sur le nucléaire, poursuit Clément Therme. Puisque cela voudrait dire qu'ils se rapprochent des Russes et des Chinois, dans un contexte où les tensions russo-américaines sont très grandes. Je ne vois pas les Européens basculer dans le camp russo-chinois pour sauver l'accord sur le nucléaire iranien. »
Enjeux économiques
Mais le dossier est d’autant plus essentiel pour les Européens que cet accord représente d’importants enjeux économiques. Emmanuel Macron arrive d’ailleurs à Washington après « des discussions avancées au niveau européen », glisse la présidence. La fin de l’accord serait notamment un désastre pour les entreprises européennes souligne William Drozdiak, auteur d’un ouvrage sur la politique étrangère d’emmanuel Macron.
«L’accord iranien est essentiel, avance cet ancien journaliste du Washington Post. Il y aura des conséquences énormes si les Étatsunis imposent des sanctions plus dures. Les entreprises françaises, européennes, seront obligées, soit de suivre les sanctions imposées par les Américains pour garder leurs intérêts aux États-unis, soit de sacrifier le contrat avec l'iran pour la plupart des entreprises européennes ou françaises. »
Pour certaines entreprises, dont le chiffre d’affaires en Amérique du Nord est bien supérieur à celui qu’elles font en Iran, « il n'est pas question de sacrifier le commerce avec les États-unis en faveur de l'iran », selon William Drozdiak.
«Faire bouger les lignes»
Mais malgré ces désaccords profonds, il y a aussi des terrains d’entente et Emmanuel Macron espère « faire bouger les lignes » durant cette visite, grâce notamment à sa« relation très spéciale » avec Donald Trump. Aucune percée diplomatique n’est à attendre, mais une « dynamique renforcée » fait valoir un diplomate français qui met avant que l’entente entre les deux chefs d’état « a grandement facilité les choses » lors de la préparation des frappes en Syrie par exemple.
Tous ces sujets, ceux qui fâchent et ceux qui fâchent moins, seront évoqués au cours de la visite d’état, mais il s’agit avant tout d’une visite protocolaire dont il n’est pas censé sortir grand-chose hormis la célébration de l’amitié franco-américaine.