Retour à la case départ pour la liberté de la presse ?
Nessma porte plainte contre Nawaat
Reporters Sans Frontières (RSF) a dévoilé mercredi son classement mondial de la liberté de la presse pour 2018. On y découvre que la Tunisie y maintient sa 97ème sur un total de 180 pays. Le jour-même, le rédacteur en chef de Nawaat était entendu par la sous-direction des affaires criminelles pour un article publié, il y a un an…
Reporters Sans Frontières (RSF) a dévoilé mercredi son classement mondial de la liberté de la presse pour 2018. On y découvre que la Tunisie y maintient sa 97ème sur un total de 180 pays. Le jour-même, le rédacteur en chef de Nawaat était entendu par la sous-direction des affaires criminelles pour un article publié, il y a un an…
En 2010, alors que Ben Ali et ses sbires régnaient encore en maîtres sur le pays à coup de terreur et de torture, brimant les libertés et censurant les journalistes, la Tunisie occupait la 164ème du même classement de RSF. C’est dire qu’en huit ans, il y a eu d’énormes avancées, mais ce n’est toujours pas assez, affirment les gens du métier. En effet, malgré la libéralisation de la parole et la volonté d’appliquer les valeurs de la démocratie, des pressions perdurent sur les journalistes dont nombreux affirment, jusqu’à aujourd’hui, faire encore face à des menaces, à être confrontés à la censure et à subir des agressions morales et physiques.
Enième exemple en ce jour où RSF a dévoilé son classement mondial de la liberté de la presse, Thameur Mekki, jeune homme au caractère bien trempé et à la plume bien aiguisée, était entendu par la sous-direction des affaires criminelles, à la Cité El Khadhra et pour cause ! En avril dernier, il avait publié, sur le site en ligne Nawaat, un article satirique intitulé «La classe politique sur Nessma : Un dîner de cons chez Nabil Karoui», dans lequel il critiquait
les pratiques ambigües de Karoui qui a mis, selon lui, toutes les ressources de la chaine dont il était directeur-général jusqu’à 2016, à la disposition du parti Nidaa Tounes, lors des élections de 2016, parti dont il était devenu membre du bureau exécutif à la même époque.
L’article ne lui ayant, évidemment pas plu, il a porté plainte devant les tribunaux. Jugeant le dossier recevable, le Procureur de la République l’a ainsi transféré à la brigade susmentionnée. Thameur Mekki a reçu donc, la semaine dernière, une convocation officielle à comparaître en tant que prévenu. Entendu dans la matinée du mercredi, le journaliste a été laissé en liberté et l’affaire suivra son cours auprès des tribunaux.
La plainte déposée par Karoui et le représentant légal de la chaine de télévision Nessma se base à la foi sur le Code Pénal et sur le Décroit-loi 115 relatif à la liberté de la presse, de l'imprimerie et de l'édition. Thameur Mekki est ainsi accusé de diffamation selon l’article 245 du Code Pénal et d’injure selon l’article 56 du Décret-loi 115.
Suite à cette affaire, le Syndicat des journalistes (SNJT)
s’est insurgé, via un communiqué, contre cette plainte et contre le fait qu’un journaliste soit accusé en vertu d’une loi autre que le l’article 115, rappelant que ces pratiques favorisaient le retour de la dictature et représentaient une menace pour l’ensemble de la profession. Le SNJT dont l’avocat a assisté à l’audition de Thameur Mekki s’est également inquiété que des médias tunisiens portentplainte contre d’autres et a affirmé son total soutien au rédacteur en chef de Nawaat en sa qualité d’accusé.
Enfin, le Syndicat affirme qu’il aurait mieux valu à la justice tunisienne de s’intéresser à l’élément sonore qui a fuité sur le net et dans lequel Karoui et ses collaborateurs «complotent» contre l’organisation I Watch au lieu de poursuivre un journaliste en justice pour le simple fait d’avoir rédigé un article.
Nabil Karoui semble bien décidé à poursuivre Thameur Mekki qui, pour sa part, semble bien décidé à défendre son métier et sa liberté d’expression. Pour qui tranchera la justice ?