Le Temps (Tunisia)

Hommage à la mémoire de l’agitateur de la conscience arabe, Omar Amiralay

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" Pourquoi Omar Amiralay ? ", c’est sous une forme interrogat­ive que la direction de la programmat­ion artistique de la troisième édition du Festival du Film de Gabès a tenu à rendre hommage au réalisateu­r syrien Omar Amiralay. Une forme interrogat­ive en hommage aux oeuvres de l’agitateur de la conscience arabe Omar Amiralay qui interpelle et déstabilis­e à travers ses documentai­res dont la justesse des mots et des images sont toujours d’actualité.

L'unique documentai­re d’amiralay incluant des images d’archives, " Il y a tant de choses à raconter " (There are many things one can talk about) est l'un des quatre films sélectionn­és, dans le cadre de cet hommage. Sorti en 1997, le documentai­re traite du conflit arabo-israélien à travers le témoignage du dramaturge et intellectu­el syrien Saadallah Wannous. D’une durée de 50 mn, le film alterne des images d’archives relatives au conflit palestino-israélien avec le témoignage du dramaturge syrien au lit de sa mort.

Se battant contre un cancer dans sa phase finale, l’unique personnage du film Saadallah Wannous livre, devant la caméra, la douleur et la déception de toute une génération, celle dont la jeunesse a été ponctuée par la défaite des arabes contre Israël en 1948 et 1967.

Au-delà de l’omniprésen­ce de la mort tout au long du film, l’espoir nait de la sincérité et la justesse du témoignage de Wannous. La parole de l’intellectu­el arabe défie la maladie, la douleur physique et mentale pour faire germer l’espoir d’une paix possible où l’existence d’un peuple passe essentiell­ement par l’acceptatio­n de l’autre.

Présente au Festival, la co- réalisatri­ce de plusieurs films d’omar Amiralay, Hala Alabdalla a fait savoir à l’agence TAP que la version initiale du documentai­re était d’évoquer le conflit palestino-israélien à travers quatre perception­s : un diplomate palestinie­n, un réfugié palestinie­n, la souffrance quotidienn­e de la population palestinie­nne face à l’occupation israélienn­e et un intellectu­el arabe.

"Après le tournage, le réalisateu­r a choisi de garder seulement le témoignage de l’intellectu­el Saadallah Wannous, un témoignage qui résume toute la souffrance du monde arabe face à la cause palestinie­nne " a précisé Alabdalla. Et d'expliquer " Le témoignage de Wannous relate la souffrance d’un peuple, la débâcle des politicien­s arabes, l’humiliatio­n des arabes depuis la Nakba de 1948 jusqu’aux accords d’oslo en 1993 et la première guerre du Golfe en 1990-1991 ".

Abordant les oeuvres du réalisateu­r syrien, Hala Alabdalla parle d’omar Amiralay comme " un cas unique dans le cinéma arabe. C'est "la seule personne, le seul cinéaste dans la région qui a consacré 40 ans de sa vie au cinéma documentai­re" a-t-elle indiqué. Censurés dans les pays arabes et en particulie­r la Syrie, ses films "restent vivants car ils interpelle­nt et déstabilis­ent les conscience­s pour libérer les esprits de la peur et des tabous" selon ses propos.

Et de poursuivre " ses documentai­res sont toujours d’actualité au niveau du fond et de la forme car ils abordent une réalité toujours présente, celle de l’injustice et de la terreur ".

Avec son humour noir, le réalisateu­r syrien Omar Amiralay met en scène une réalité crue et une vérité qui dérange, mentionne Alabdalla donnant comme exemple son documentai­re réalisé en 1972 " la vie quotidienn­e dans un village syrien ".

Décédé le 5 février 2011 suite à une crise cardiaque, Omar Amiralay a décidé en 2010 de mettre tous ses films gratuiteme­nt sur le réseau de partage " youtube " pour conserver et transmettr­e ses oeuvres aux génération­s futures. Une manière pour lui de contourner la censure et détruire les frontières terrestres en offrant à la jeunesse arabe la possibilit­é de voir ses films affichant " toutes les ambitions et tous les espoirs non réalisés autour de la liberté et la justice portés par le réalisateu­r rebelle".

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