Le circuit du financement de Daech décrypté
Hier, c’était le deuxième et dernier jour de «No Money for Terrorism», « Pas d’argent pour le terrorisme », la Conférence internationale de lutte contre le financement de Daech et d’alqaïda. Une conférence voulue par le président français Emmanuel Macron et qui se tient à Paris. Soixante-dix Etats et une vingtaine d’organisations internationales sont réunis pour s’attaquer plus efficacement au financement des groupes terroristes. Si Al-qaïda fonctionne surtout sur un financement externe (des donations), L’EI de son côté a voulu, dès le départ, être autonome. Elle a commencé en s’appuyant sur une économie criminelle (enlèvements, demandes de rançons) ; puis, quand son influence est devenue plus grande en Irak elle a prélevé des « impôts révolutionnaires » sur des commerces et les entreprises. Enfin, le jackpot est arrivé lorsque L’EI a conquis un véritable territoire. L’organisation a alors pu largement diversifier ses sources de financement en s’appropriant des ressources naturelles : pétrole, agriculture (blé, coton), phosphates, et dans une moindre mesure les biens archéologiques. Elle a aussi parasité les possessions de l’etat irakien (usines, industries). Mais elle a surtout selon Laurence Bindner, spécialiste de la propagande terroriste, instauré un système de taxes généralisées : « par exemple vous aviez la création d'une taxe d'un certificat de repentance coûtant 900 à 2 000 dollars quand l'etat islamique est arrivé dans la ville de Mossoul ».
Sortir l’argent
Lorsque la coalition internationale intervient, L’EI commence à mettre l’argent en lieu sûr. « Beaucoup de cash est sorti, notamment en utilisant des passeuses, des jeunes femmes qui ne savaient pas forcément qu'elles transportaient de l'argent de l'etat islamique. », explique Benoît Faucon, coauteur du livre Daech Incorporated. L’argent passé par la Syrie, la Turquie, souvent le Soudan, et ensuite Dubaï et la Malaisie. Un « trésor de guerre » qui peut à la fois servir à des opérations insurrectionnelles, potentiellement à des actions terroristes, en tout cas explique le journaliste « le principe de base, c'est que cet argent est mis dans des pays où l'organisation n'a pas d'implantation officielle, où ça n'attire pas l'attention ».
Le financement des attentats
Autre question : cet argent du pétrole, des antiquités, de la taxation des populations sert-il à financer les attentats, ou est-ce que les assaillants s’autofinancent, puisqu’un attentat ne coûte que quelques dizaines de milliers d’euros (celui dirigé contre le journal Charlie Hebdo n’aurait coûté que 20 000 euros). « Il y a eu des modes de financement, que ce soit en Arabie saoudite, en France ou dans d'autres pays européens qui consistaient en escroquerie aux prêts à la consommation », explique Benoît Faucon : « la personne prenait le prêt et l'utilisait pour acheter par exemple des armes ou financer son séjour dans l'etat islamique ». Pour autant, la question du financement par le « trésor de guerre » est pertinente selon le journaliste, qui a vu une liste de L’EI comptabilisant l’arrivée en France avant les attentats d’un de ses membres avec 20 000 euros. Pas de preuve pour autant que l’argent a servi pour les attaques, mais ce qui est certain affirme Benoît Faucon, « c'est que le départ de ces opérateurs qui demain peut-être feront des opérations en Europe a été financé par cet argent. Et ce départ est coûteux : il faut payer d'autres milices, des passeurs. »
Lutter contre la circulation de l’argent
Des mesures ont déjà été prises pour lutter contre les flux financiers des groupes terroristes, avec en Irak un contrôle accru des sociétés de transfert, les hawala, un système de reconnaissance de dette basé sur la parole donnée et donc impossible à tracer, qui sert souvent aux migrants pour envoyer de l’argent dans leur pays d’origine. Côté français et européen, il y a déjà eu des mesures pour lutter contre l’anonymisation.