Focus sur le cinéma iranien avec Elaheh Nobakht
A peine 31 ans, Elaheh Nobakht native du 27 février 1987 est une jeune distributrice iranienne dans le cinéma. Elle a été, jeudi soir, à la projection-débat de ses deux films présentés en compétition du Festival du Film Oriental de Genève (FIFOG) qui fait
Membre du jury de la compétition des courts-métrages au Fifog 2018, elle a dans un entretien avec l'agence tap parlé notamment de son parcours, de son expérience et du marché du film en Iran.
Quels sont vos parcours et position actuelle en tant que femme et distributrice de films venus d'iran?
J'ai ma propre compagnie de distribution de films basée à Téhéran, ville où je suis née et où je vis actuellement. Mes débuts dans le cinéma remontent déjà à 14 années passées alors que j'avais uniquement 17 ans. Ca a commencé lorsqu'on m'a demandé souvent de réaliser des sous-titrages en anglais, une langue que je maîtrise bien. Petit à petit je me suis trouvée au coeur de l’industrie du cinéma.
Depuis déjà 10 ans, je suis diplômée d'une licence en Commerce international avec une spécialisation dans le domaine du cinéma, ce qui m'a permis de combiner ma passion pour le cinéma avec mes compétences académiques. J'oeuvre depuis longtemps pour la distribution de films notamment documentaires à l'international à travers ma compagnie de production et distribution appelée "El Image" qui offre une variété de films iraniens sur la plateforme online "Cinando".
Quelle est votre participation et celle de votre pays l'iran, invité d’honneur de cette édition 2018 du FIFOG?
L'iran est largement présent cette année au FIFOG avec surtout cinq longs métrages dont je suis distributrice de deux films sortis en 2017, du genre long métrage. Le premier intitulé "Souheila N 17" est une fiction réalisée par Mahmoud Ghaffari en lice pour la compétition internationale et le second film s'intitule "Ferrari" de Alireza Davood Nejad en lice pour la compétition du prix de la critique.
Le réalisateur Mahmoud Ghaffari est également présent avec deux autres films "Ceci est un rêve" et "Hair" deux fictions respectivement sorties en 2013 et 2016, programmées dans la section World Panorama du Fifog.
Comment évaluez-vous la situation actuelle du marché
du film en Iran?
La situation du marché dépend toujours du genre du film à diffuser. Pour les films commerciaux, le marché du film à l'intérieur du pays se porte très bien. Sauf que pour les films d’auteur et autoproduits, la situation diffère et n’est totalement pas la même. Le marché demeure très moyen et restreint, ce qui est d'ailleurs le cas dans plusieurs autres pays du monde.
Existe-t-il des restrictions sur l'industrie du film en Iran ?
Certainement oui, les producteurs et professionnels du film sont tenus d’obéir et de respecter les lois et conditions en vigueur dans le pays qu’imposent les pouvoirs publics. Il s'agit bien d'actions de censure qui concernent l'industrie du film dans le pays, ce qui est d'ailleurs le cas de mon film "Ferrari" interdit de
diffusion en Iran.
La censure touche surtout les films qui abordent les sujets sur la femme et la condition féminine. Ceci revient au fait que dans le pays, les femmes sont soumises et conditionnées, beaucoup plus que les hommes, par les lois religieuses. Des conditions et une situation qui ont été abordées par les deux films iraniens proposés par ma société de distribution.
Votre film "Ferrari" a été présenté en sous titrage anglais ce qui s'avère pas toujours évident pour un public suisse majoritairement francophone. Est ce un choix ou ceci revient à une condition particulière imposée par le coût du sous-titrage dans l'industrie du film iranien?
L'un de mes deux films, "Souheila N 17", est projeté en sous-titrage français alors que le second "Ferrari" est en soustitrage anglais. La raison essentielle est que l'on a été prévenu de sa participation au Fifog en une période qui coïncidait avec les célébrations, récemment, de la fête du nouvel an. La compagnie a été basculée par le temps du fait que tous les studios d'enregistrement sont fermés en temps des fêtes.
Mais je tiens d'ailleurs à expliquer que les traductions ne coûtent vraiment pas cher comme c'est le cas pour ce film qui coûterait l'équivalent de mille à mille cinq cent dollars
pour faire le sous-titrage.
Quelle est la participation de votre compagnie dans les festivals en dehors du pays?
Comme chaque année ma compagnie sera présente au stand iranien au marché du film sur la croisette au Festival de Cannes sachant que deux films iraniens sont sélectionnés en compétition officielle de Cannes 2018 (NDLR - Everybody knows" d'asghar Farhadi longmétrage en espagnol et "Three Faces" de Jafar Panahi déjà assigné à résidence dans son pays pour avoir manifesté contre le régime).
5/ Avez vous déjà participé dans des festivals de films tunisiens ou maghrébins?
Au festival de Cannes, j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer plusieurs professionnels du cinéma et j'entretiens d'ailleurs des liens d’amitié avec des professionnels tunisiens dont Rachid Ferchiou que j'ai eu la chance de rencontrer à deux reprises en Iran.
Mon souhait est de pouvoir un jour visiter le Maghreb et y présenter mes films dans des pays comme la Tunisie et l'algérie dont j'ai beaucoup entendu parler. Et comme je viens de débarquer, j'ai pas encore eu la chance de voir les productions maghrébines mais je suis déjà une cinéphile qui regarde beaucoup les films notamment algériens diffusés sur les chaînes de télévision.