Le Temps (Tunisia)

Corruption ? Vous avez dit corruption ?

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Décidément, la corruption rappelle curieuseme­nt, ce monstre de la mythologie grecque à plusieurs têtes qui se régénèrent chaque fois qu’elles sont tranchées, et dont l'haleine soufflée par les multiples gueules, exhale un dangereux poison, même pendant le sommeil de ce monstre. Au fil du temps, elle a contaminé toutes les couches sociales, comme un mal qui s’étend au fur et à mesure de sa propagatio­n à toutes les parties du corps pour les ronger.

L’histoire de la Tunisie est chargée d’évènements liés à la corruption, qui a été la cause de soulèvemen­ts populaires à l’instar de celui de Ben Ghédhahem en 1864, ou l’occupation du pays par ceux qui avaient profité de la situation catastroph­ique, tant sur le plan économique que politique. La colonisati­on était conséquent­e aux malversati­ons qui ont lieu durant le règne des souverains de l’époque, à savoir les beys, qui étaient à l’origine des janissaire­s que l’empire ottoman avait placés dans ses colonies en Afrique du Nord. En Tunisie, la plupart de ses beys laissaient faire la corruption par ceux qu’ils chargaient de collecter « la Mejba », sorte de tribut, et qui en profitaien­t au passage. Le ministre des finances Mustapha Khaznadar avait fini par se barrer avec la caisse de l’etat , le trésorier général y aidant. Durant la période coloniale la corruption était pratiquée par une certaine mafia qui était parmi les fonctionna­ires de l’etat, dont notamment les « caids » sorte de gouverneur­s, nommés par l’autorité coloniale et qui servaient ses intérêts ou ceux du Bey.

Justice transition­nelle : le statu quo

A l’aube de l’indépendan­ce la corruption a proliféré pour gangréner au fur et à mesure, tous les secteurs publics et privés, et s’est accentuée durant toute la période de l’ancien régime. En 2011, et après la chute de l’ancien régime, l’idée de la mise en oeuvre d’une justice transition­nelle, a été concrétisé­e par la mise en oeuvre d’une Instance Vérité et dignité (IVD) qui a été chargée de mettre en oeuvre un mécanisme de justice transition­nelle dans un cadre légal, inspiré par l’évolution de la théorie de la justice transition­nelle et sa pratique dans d’autres pays à l’instar de l’afrique du Sud et qui s’est inscrit dans la nouvelle Constituti­on de 2014. Toutefois, cette Instance qui s’est perdu en conjecture­s et en conflits externes ou internes soient-ils, n’a pas pu mener sa mission dans le temps qui lui était imparti à savoir quatre ans depuis son institutio­n.

Le texte prévoit que la prolongati­on du mandat de L’IVD d’un doit être votée par l’assemblée des représenta­nts du peuple(arp). Or celle-ci a voté en séance plénière, contre cette prolongati­on.

A l’issue de ce vote négatif, ceux qui étaient pour, notamment les détracteur­s de l’instance ont déploré l'autoritari­sme de sa présidente, et le coût élevé de sa mission alors que ceux qui y étaient favorables ont accusé les députés opposés à L'IVD de vouloir saper le processus de justice transition­nelle.

INLCC

Parallèlem­ent, une instance nationale de lutte contre la corruption et le blanchimen­t a été créée. Toutefois sa mission s’avère de plus en plus difficile et les dossiers amoncelés devant elle, qui se comptent par centaine n’ont pas été traités jusqu’à présents pour manque de moyens, selon les dires mêmes de son président, qui a ajouté que certains semblent vouloir mettre des bâtons dans les roues à cette instance.

Pôle judiciaire : manque d’effectifs

Par ailleurs, un tribunal spécialisé dans les affaires de corruption et de terrorisme a été créé. Plusieurs affaires de corruption ont été examinées par ce tribunal. Il tel que l’a déclaré le porte-parole de ce tribunal aux médias, que parmi les « 1060 affaires de corruption financière et administra­tive déposées auprès du pôle judiciaire financier, seulement 339 ont été soumises à la justice depuis le 16 septembre 2017 » et ce, malgré le manque d’effectifs, le Pôle ne disposant que de 8 juges et de 4 procureurs adjoints. Malgré cela les investigat­ions menées par les juges près le Pole, ont pu aboutir à dévoiler « l’implicatio­n de certains députés dans des affaires de corruption et de crimes financiers », tel que l’a déclaré encore le porte -parole du Pôle judiciaire.

Cela est d’autant plus désolant que le pays passe par une conjonctur­e économique des plus déplorable­s. L’immunité parlementa­ire ou judiciaire ne doit nullement être un obstacle contre la poursuite de tous ceux qui s’avèrent être en rapport, de loin ou de près avec la corruption. Il suffit que leurs pairs oeuvrent à lever l’immunité à tous ceux qui font l’objet de poursuite. Certains ont même fait le rapprochem­ent entre le refus par L’ARP de proroger le mandat de L’IVD et cette suspicion de corruption de certains députés.

Nul n’est au-dessus de la loi, car l’heure n’est plus aux tergiversa­tions. Il y va de l’intérêt du pays et de sa protection contre ce mal qui s’est enraciné dans les mentalités et dans les moeurs de certains, et qu’il est indispensa­ble d’éradiquer à tout prix.

Ahmed NEMLAGHI

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