Impasse afghane
Le double attentat suicide commis lundi à Kaboul s’inscrit dans un faisceau de violences qui n’est pas loin d’avoir fait sombrer l’afghanistan dans un scénario somalien. Le conflit en Syrie occupant le devant de la scène, l’afghanistan devient invisible, comme du reste tout ce qui se passe en Somalie dans une sidérante indifférence. L’attentat qui a visé il y a une dizaine de jours un centre d’enregistrement électoral dans un quartier majoritairement chiite de l’ouest de la capitale (au moins 60 morts) était plus sanglant encore, mais il n’a pas eu la même résonance internationale.
De ces violences, on peut induire au moins trois choses. D’abord, que le gouvernement afghan du président Ashraf Ghani, qui contrôlerait à peine 60 % du territoire national, est de plus en plus assiégé dans Kaboul même. De fait, la capitale est aujourd’hui devenue, selon L’ONU, l’endroit le plus dangereux du pays pour les civils.
Il se trouve ensuite que ces organisations terroristes ciblent de plus en plus spécifiquement tout ce qui incarne les efforts de construction démocratique en Afghanistan — si tant est que le gouvernement s’efforce vraiment d’y bâtir une démocratie. D’où les attaques contre les ministères (comme ce massacre à l’ambulance piégée qui a fait 100 morts en janvier à proximité du ministère de l’intérieur), contre les organisateurs des législatives qui doivent en principe se tenir en octobre et contre tous ces journalistes, suppôts de l’occident. Affaibli, pour ne pas dire tout simplement impuissant, le président Ghani a présenté en février aux talibans un ambitieux plan de paix, avec proposition de pourparlers sans conditions à la clé : les seules contre-propositions qu’il a reçues l’ont été sous la forme d’attentats. Miné par la corruption, le gouvernement ne semble plus préoccupé que par sa propre sécurité ; celle de la population est devenue contingente.
Enfin, les plus récentes violences illustrent à nouveau l’échec américain, 17 ans après l’attentat du 11-Septembre et le déclenchement de la guerre. Dans son inconstance, Donald Trump a défendu tantôt l’idée du retrait pur et simple, tantôt une politique d’engagement militaire renforcé. Il n’est plus question, en tout cas, d’entretenir en façade le mirage du nationbuilding.
Qu’en revanche les États-unis prennent leurs jambes à leur cou, et les organisations djihadistes investiront le vide, comme ce fut le cas en Irak. Faute de recherche d’une solution qui, dans un monde plus sain, fouillerait des pistes de pacification multilatérales, en mettant par exemple à contribution l’iran et l’inde, les Américains resteront donc en Afghanistan sans rien régler, ainsi que l’avance un chroniqueur du Guardian, mais de manière à s’en servir cyniquement comme terrain d’essai de leur matériel de guerre.